BD

Guy Delisle - PyongYang   

L'association - 2003

 

 

 

    Voici 3 ans, Guy Delisle nous enchantait avec son Shenzhen (déjà à L'association), album très touchant dans lequel il narrait son expérience de coordinateur de l'animation d'un dessin animé sous-traité dans une boîte de la zone économique spéciale de Shenzhen en Chine.

Shenzhen, ville nouvelle, ville champignon. La grisaille incarnée. L'expérience de l'ennui, de la solitude, de l'incommunicabilité. La déception et la déprime donnaient la tonalité générale d'un album qui ménageait toutefois pas mal de contrastes.

 

    Avec ce nouvel album c'est une expérience similaire que décrit Delisle mais comme son titre l'indique, Pyongyang a remplacé Shenzhen, la Corée du nord s'est substituée à la Chine.

Dès les premières pages, on s'aperçoit clairement qu'il ne s'agit pas d'un Shenzhen bis.

Ici, pas de déception, "la Corée du Nord n'est pas très reggae" nous dit l'auteur mais ce n'est pas vraiment une surprise. Ici, pas de déprime, on sait qu'il faudra "faire avec", avec le guide officiel qui vous suit à la semelle, avec les multiples interdictions comme celle de rencontrer la population par exemple.

 

    Dans Pyongyang, c'est l'absurdité qui domine. Dès la première scène. A son arrivée à l'aéroport, Delisle reçoit un bouquet de fleurs qu'il sait ne pas être un cadeau pour lui. Bizarre, bizarre, se dit-on. Quelques pages plus tard, on comprend la raison du "cadeau". La première chose que tout étranger se doit de faire à son arrivée en Corée du nord est, accompagné de son guide et de son traducteur, de déposer le bouquet au pied de la statue de 22 mètres de Kim-il-Sung, le père de la nation. Ambiance.

Pyongyang est ainsi un album parsemé d'anecdotes très drôles. Mais Delisle parvient, et c'est là que se situe la grande réussite de l'album, à ne jamais gommer l'horreur du régime dictatorial (qu'il ne voit cependant jamais directement) derrière une drôlerie qu'on pourrait trouver un rien complaisante.

On rit beaucoup mais on sent qu'à tout instant le rire peut se figer et se transformer en rictus.

 

    Pyongyang est une plongée dans le quotidien d'un étranger en mission économique dans un des pays les plus secrets de la planète, doublé d'une dictature de fer. On en sort avec l'impression d'avoir un peu mieux cerné les mécanismes à la fois absurdes et terrifiants sur lesquels le régime s'appuie pour se perpétuer. Mais au-delà de cet aspect, l'énigme nord-coréenne reste entière. La population est-elle dupe? Les nord-coréens croient-ils à la propagande dont ils sont abreuvés dès leur enfance? Deux mois n'auront pas suffi à l'auteur pour se prononcer.

A nous aussi lecteurs de méditer sur ces questions qui font vraiment peur.

Fred