musique

A Silver Mount Zion - Horses in the sky

constellation/chronowax - 2005

[5.0]

 

 

    Mais où s’arrêteront-ils..? Présentés à l’origine comme un projet parallèle des géniaux Godspeed You Black Emperor, le collectif Silver Mount Zion a très vite été perçu comme un vrai groupe, à géométrie variable, organisé notamment autour de la personne d’Efrim, dont l’importance dans le groupe va grandir jusqu’à devenir ici la voix omniprésente de ceux qui ne mettaient jamais de mots (ou si peu) dans leurs chansons sur les deux premiers albums. Au fil du temps, et en quatre albums, A Silver Mount Zion est devenu, avec Godspeed et à un degré moindre Do Make Say Think, le group emblème du génial label Constellation. Bien sur aujourd’hui ce label nous est connu, et on ne retrouve plus le choc que provoquait chaque écoute de leurs nouvelles sorties il y a cinq ou six ans : on s’est habitués à leurs magnifiques pochettes cartonnées, à leurs titres interminables et obscurs, à tous ces groupes qui s’échangent les musiciens gravitant dans la Constellation montréalaise. Mais, même si on s’est habitués, on ressort de l’écoute de la plupart de leurs sorties encore secoués, encore admiratifs, habitués mais pas lassés.

 

    La trajectoire du Silver Mount Zion illustre une volonté : celle de créer des atmosphères terriblement angoissantes, lancinantes, répétitives, faites comme Godspeed d’une alternance d’explosions au lyrisme ravageur, mais y ajoutant de plus longs et plus lents moments de « repos » qui n’en contiennent pas moins de secousses pour l’auditeur. Leur premier album, génial, avait donné l’impression d’un Godspeed ralenti à l’extrême. Le second, leur chef-d’œuvre, dépassait cet extrême pour ralentir encore, étirer les morceaux et créer une insondable tristesse élevant leur post-rock lancinant au niveau du sublime. Leur avant-dernier disque montrait le groupe sous un nouveau jour : augmenté du Tra-la-la band, les voix se faisaient plus présentes, notamment ces chœurs si déstabilisants au début dans leur répétition de « tra la la »…peu à peu on comprenait que ce groupe ne resterait sûrement pas longtemps là où il était arrivé à l’album précédent, et cherchait constamment de nouvelles directions à sa musique.

 

    Ce nouveau disque prolonge donc les recherches du précédent, en les radicalisant : pour la première fois, les morceaux seraient des chansons, en tout cas de la musique avec un chanteur : Efrim pose sa voix sur tous les morceaux, et en couvre presque l’intégralité. Nous voici donc désormais face à un changement complet : après le silence des voix, le Silver Mount Zion a désormais choisi de placer une voix en avant. Cette voix si particulière, qu’on entendait parfois mais qui jouait presque le rôle d’un instrument de plus au milieu des compositions du groupe est donc au centre de ce disque :toujours aussi frêle, toujours aussi incantatoire parfois, fausse également par moment, elle permet véritablement au groupe de se redéfinir une fois de plus, de s’affirmer comme un vrai groupe en mouvement. Nul doute que son omniprésence gênera nos habitudes prises avec les deux premiers albums, mais qu’il est agréable de suivre un cheminement si ouvert aux nouveaux départs…

 

    Les six morceaux de l’ensemble s’organisent donc autour d’Efrim, et lui proposent des écrins musicaux là aussi assez différents de ce que l’on connaissait : la première surprise vient avec la première chanson, où l’influence (et la participation) yiddish des excellents Black Ox Orchestar nous amène à vérifier si on ne s’est pas trompé de disque, si c’est bien le Mount Zion qu’on a mis dans la platine…Puis cette chanson, comme souvent, prendra trois directions dissemblables, et après les violons yiddish s’arrêtera longtemps sur des murmures portés par une douce musique, pour finir encore ailleurs. La suite alternera entre incantations, chorales du tra la la band, explosions soniques plus rares qu’à l’accoutumée, et un dépouillement musical plus extrême qu’avant : écoutez par exemple le troisième morceau où seule une guitare, des bribes de guitare plutôt, accompagne longuement les mots d’Efrim. Ecoutez cette voix qui parfois s’envole dans ses écorchements, écoutez ces violons qui arrachent des larmes, écoutez ces guitares qui frémissent au milieu de l’ensemble…A chaque fois, on est terrassé, et on comprend que si le groupe n’est plus ce qu’il était, si les émotions qu’il transmet ne sont plus les mêmes, en revanche elles ont toujours gardé ce qui en fait le prix : leur intensité hors-norme…

 

Matthieu Jaubert

 

Tracklis

God bless our dead marines

Mountains made of steam

Horses in the sky

Teddy Roosevelt’s guns

Hang on to each other

Ring them bells (freedom has come and gone)

 

Durée : 58’17

Date de sortie :22-03-2005

 

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