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Herman Düne : Des punks qui marchent vers le sommet

Interview

 

 

 

    Un début d'année il y a deux ans, un concert annonçait Jeffrey Lewis, punk de la première heure et fan de Daniel Johnston, Kimya Dawson, la moitié des Moldy Peaches qu'elle formait avec Adam Green, et Herman Düne. Tous viennent de New York et on dit qu'ils réinventent le folk. Du moins ils jouent avec une spontanéité digne d'une révolution punk avec des guitares folk. On s'assoit et on écoute. Ca dure. On assiste à chacun de leurs innombrables concerts si bien qu'on commence à les appeler par leur nom: Néman, David-Ivar et André. Herman Düne sort son septième album, Not On Top, duquel on a parlé, ainsi que d'une communauté punk et salvatrice d'une certaine routine trop présente dans la musique. 

Suède - Brooklyn - Paris et Berlin
Les membres d'Herman Düne contrairement à ceux d'autres groupes ne voyagent pas seulement quand ils sont en tournée. Le groupe est né en Suède, pays d'anglophones qui apprécient le folk ou le rockabilly et la country dans les recoins les plus isolés. Puis le groupe s'est installé à New York et revient en Europe. Néman et David vivent à Paris et André à Berlin. Pour l'instant... 
André : En fait on est installés nulle part. 
Néman : On ne reste pas dans un endroit plusieurs années de suite. On fait des allers retours entre les États-Unis et l'Europe. 
David : Le changement c’est bien ça donne des nouvelles sensations inspirations, c’est agréable de découvrir des endroits puis en avoir plusieurs où tu te sens chez toi. On aime beaucoup voyager ça tombe bien, car pour ce qu’on fait, la musique, les chansons, les disques, le meilleur moyen c’est de voyager beaucoup et en voyageant on trouve des endroits qui nous plaisent plus que d’autres, en l’occurrence Brooklyn ça nous a beaucoup plu on avait envie d’y rester. 

Made in England

Mais aujourd'hui les trois membres vivent en Europe et s'impliquent dans une communauté plutôt punk, surtout en Angleterre où ils ont fondé leur label à Londres, se font découvrir par John Peel et enregistrent leur album à Leeds.
David : depuis quelques années on tourne beaucoup en Angleterre notamment grâce à John Peel. C’est lui qui nous a contactés, il a entendu notre disque et nous a fait venir chez lui. C’était en 2000. Depuis on a fait une dizaine de sessions pour lui, grâce à lui on pouvait tourner en Angleterre alors que personne ne nous connaissait. Notre label est là-bas à Londres. A Leeds on est entrés dans un réseau punk plutôt hardcore avec qui on s’est liés très fortement. Quand on y va, ils nous organisent toujours nos concerts, on fait des soirées avec eux.
André : quand on tournait en Angleterre on passait toujours par Leeds pour un soir, au maximum deux. C’était presque suffisant pour nous d’avoir envie de passer du temps là bas, de trouver un prétexte pour y aller. Après pour les problèmes pratiques ça s’est très bien arrangé. On ne savait pas trop comment ça allait se passer mais on avait envie de changer et on s’est dit qu’à Leeds ça ne pouvait que bien marcher car on a tous nos amis là-bas. Ils nous ont aidés à trouver le studio, ils ont organisé des concerts pour le payer. 
David : Au départ on n’avait pas trop le choix, il fallait qu’on fasse des trucs par nous-mêmes. 
André : Ce qu’on fait professionnellement ça passe par les amis. Surtout à l’étranger par rapport à la France qui a un fonctionnement plus classique. Aux États-Unis et en Angleterre on fait des concerts chez les gens. On fonctionne comme les autres groupes, les groupes locaux.
David : C’est comme ça que la musique en marge évolue. Je trouve ça vraiment super et je ne sais pas si j’aurais envie de changer de façon de faire parce que là on a l’impression de maîtriser ce qu’on fait, quand on fait une tournée on choisit l’endroit qui organise le concert, c’est des amis la plupart du temps. En plus de la musique qu’on joue, de notre activité, on a le plaisir de voir des gens qu’on aime. Chaque jour c’est super.

 


Not On Top
Ne pensez pas venir à un concert en vous disant que vous allez pouvoir chanter les paroles et jouer de l'air banjo sur votre chanson préférée. Les concerts d'Herman Düne sont des moments d'expérimentation de nouvelles chansons, de test. Aucun concert ne ressemble à un autre. Les chansons se multiplient, se déclinent d'un concert à un autre. Sur Not On Top, leur septième album beaucoup plus produit, il en reste quinze. 
David : Comme on a beaucoup de chansons on peut en choisir tous ensemble. A trois. Comme il y a le choix ce sont celles qu'on préfère. Celles qu'à trois on joue le mieux, dont on aime les paroles.
Néman : On les sélectionne naturellement, si on voit que ça passe on garde. 
André : C'est surtout sur scène qu'on voit si il y a quelque chose qui passe. 
David : en concert on essaie de nouveaux morceaux, il y a des soirs où on se dit "oh c'était génial ce morceau", On le rejoue, on l'enregistre, surtout si on l'aime tous les trois. 

Puis on sort du concert et on se dit qu'ils ont dû faire au moins une dizaine d'albums du moins on se dit que ça vaudrait le coup. Mais même pour les membres d'Herman Düne qui produisent leur propre projet solo pour David et André, dans un groupe, Zombie pour Néman ce n'est pas le cas. Ce n'est pas un problème pour eux de ne pas sortir plus d'albums, autant en avoir un bien produit, dont ils sont fiers, en l'occurrence Not On Top
David : On ne veut pas sortir plus d'albums car c'est bien d'avoir du temps entre deux albums en cours, on prend le temps un peu de changer d'avis. 
André : Ca ne sert à rien de sortir trois albums la même année. C'est mieux d'avoir quelque chose d'un peu plus précieux sur lequel on va pouvoir passer du temps. 
David : Bon c'est vrai que quand t'écris des morceaux ensuite il y a deux trois mois avant l'enregistrement, puis encore huit mois et le morceau a un an quand il sort. C'est toujours agréable d'en parler mais ce n'est pas aussi intense que quand on vient de l'écrire où là je pourrais en parler pendant une heure. 
Néman : S'il y avait un peu moins de temps qui s'écoule entre les différentes étapes ce serait peut-être mieux. 
David : Pour cet album on avait de meilleurs moyens d'enregistrement. On avait un son qui nous plaisait, un son de groupe, qui ressemble un peu plus à ce qu'on faisait en live. Là on pouvait se permettre de faire de la musique. Mais ce mode de fonctionnement n'est pas une direction qu'on prend pour toujours. Si au prochain album on a envie de prendre un quatre pistes, on le prendra. C'est une question d'envie du moment. Là on avait envie qu'on écoute notre groupe pour une fois comme on est, avec le vrai son Néman, moi j'étais content qu'on entende bien mon ampli de guitare. Après ce sont des détails par rapport aux chansons elles-mêmes, mais ça fait plaisir quand tu les enregistres.


"Avec le temps je crois qu'on fait vraiment partie d'une communauté"
Ca fait toujours un choc lorsque l'on voit Herman Düne en concert. Le concert peut devenir un véritable happening à tout moment. La musique, devient plus libre, plus simple, affranchie de tous ses codes. C'est la renaissance d'une forme de punk avec des guitares acoustiques. Et ça ne s'arrête pas à Herman Düne. Ils prennent le soin, chaque année, d'inviter d'autres artistes qu'ils aiment au festival de la salle de Saint-Ouen, Mains d'Oeuvres lors du festival Mo'Fo et enregistrent dans ce même lieu des amis qui partagent avec eux un esprit, tout comme Jeffrey Lewis et Julie Doiron qui ont déjà beaucoup tourné avec eux. 

Néman : on fait beaucoup de concerts. On rencontre des gens quand on joue quelque part. 
André : quand tu vis à New York par exemple tu vois quelqu'un dans la rue tu lui demande s'il a un groupe, et tu fais des trucs avec lui c'est pas mal. 
David : et puis des fois tu rencontres des gens avec qui t'as envie de faire des trucs. En l'occurrence Julie Doiron, ça fait longtemps qu'on la connaît. On a fait des tournées, on a enregistré avec elle son album. et puis c'est facile de collaborer avec elle. Il y a des gens comme ça avec qui tu t'entends bien. Dans la musique c'est comme dans la vie, il y a des personnes à qui tu n'as pas besoin d'expliquer les choses. L'osmose est naturelle. 
Néman : Résidents de Mains d'Oeuvres, lieu de culture alternative situé à Saint-Ouen, ils ont pu monter un festival, Mo'Fo. Ce festival qui a lieu tous les ans dans les salles de concert de Mains d'Oeuvres est l'occasion de faire connaître leurs plus proches collaborateurs et amis, notamment Julie Doiron et Jeffrey Lewis.
David : quand on a envie d'enregistrer un ami on le fait à Main d'Oeuvres. Par exemple on a un ami qui s'appelle Turner Cody, on a enregistré son album grâce à cette structure, puis on l'a invité pour le festival Mo'Fo. Il n'y a pas ce genre de structure aux États-Unis.
André : Payer des billets d'avion à des artistes, sûrement pas ! 
Néman : Faire de la musique aux États-Unis c'est plus dur qu'ici. Il n'y a pas d'aide à la culture, c'est pourquoi beaucoup d'américains viennent en Europe, aux Etats-Unis on est payé au nombre d'entrées. 
David : Avec le temps, je me rends compte qu'on fait vraiment partie d'une communauté. Elle n'est pas basée sur le style de musique. C'est une communauté un peu punk, associative, alternative ou protestataire. Ce sont des gens que j'adore... on joue avec eux à certains moments, on est le seul groupe à guitares folk. Des fois même, on joue dans des squats où les gens écoutent du death-metal, des choses comme ça. En fait, ils nous aiment bien par rapport à ce qu'on est. Il y a plein de gens qui jouent qu'avec une guitare qui sont assez punk. 
Néman : Jeffrey Lewis est un vrai punk, il est né sur Avenue A, là où tout le monde était dans les années 70, les Ramones et plein d'autres.
David : Une fois on lui a proposé de jouer dans un concert qui a lieu tous les ans à Central Park sur une grosse scène en première partie de je ne sais plus qui. Avec sa copine, Rachel Lipson, ils ont fait une reprise du Velvet Underground pendant deux heures ! Il refusé toute possibilité de faire un truc commercial. 
André : c'est marrant parce qu'il est né punk. Dès qu'il essaie de faire un truc pas "saboté" la guitare marche pas ou y a un truc qui déconne. 
David : Dès qu'il a l'occasion de faire un truc saboté il le fait! 

C'est lorsque l'on assiste aux concerts de groupes comme Herman Düne, Jeffrey Lewis, qu'on se rend compte que la musique se doit de ne pas être calibrée, jouée à la perfection mais triturée, expérimentée voire sabotée. Chaque fois c'est un concert unique où l'on sait que le groupe ne va pas cracher ses morceaux parfaitement maîtrisés et s'en aller. Aujourd'hui les punks ont les cheveux longs, des guitares folk et marchent lentement vers le sommet. 

 

Déborah Douek

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