roman

John Burdett - Bangkok 8

Éditions 10/18 - 432p, 8.50€

[3.0]

 

 

L’inspecteur Sonchaï Jitpleecheep, fruit de la brève union d’un GI américain et d’une accorte prostituée thaïlandaise, est devenu flic par pénitence, tentant d’améliorer son karma d’ex-délinquant toxico en refusant de céder à la corruption pourtant coutumière de la police thaïlandaise. Il officie à Bangkok, Krung Thep pour les autochtones, au district numéro 8, un quartier d’épaves humaines en tous genres dont il connaît intimement les usages, pour avoir été jadis un de ses membres. La mort d’un sergent des marines américain trafiquant de jade, retrouvé étouffé par un python sous amphétamines dans sa voiture, le précipite dans une trouble enquête où les enjeux du pouvoir et de la corruption ne cessent de lui barrer la route. En compagnie de Kim Jones, « miss FBI », un agent fraîchement débarqué des États-Unis, l’inspecteur Jitpleecheep va mettre à l’épreuve sa manière toute particulière de collecter les indices, avec Bouddha pour conseiller.

Exotique polar que voici, offrant à son lecteur une vaste palette de personnages interlopes des bas-fonds thaïlandais et un dépaysement garanti. Le rythme en est soutenu et suffocant, à l’image de la ville de Bangkok, contée par un auteur qui maîtrise son sujet. La prose de l’auteur, à la fois pragmatique et méditative, relevée d’une subtile touche d’humour oriental, et émaillée des digressions bouddhistes du personnage de l’inspecteur, peut dérouter le lecteur au prime abord. Mais franchie l’étape des premières pages, on se laisse prendre par ce rythme tout asiatique, le décor se met en place par petites touches, les personnages se précisent, welcome to Bangkok, 8ème district.

 

La fine analyse de la société thaïlandaise et ses rapports ambivalents avec l’Occident font tout l’intérêt de ce récit, parfois au détriment de l’intrigue, qu’on peut peiner à suivre, et dont le dénouement s’essouffle un peu. L’auteur réussit néanmoins à faire passer une vision juste et sensible d’un pays ravagé par la prostitution et la corruption ; on lui reconnaîtra le mérite d’avoir tenté, en tant qu’Occidental, de comprendre l’âme thaïlandaise, même si les songeries bouddhistes du protagoniste principal peuvent sembler un peu didactiques.

 

Un polar instructif qui renvoi à la réflexion sur le déséquilibre des rapports de force entre l’Orient et l’Occident, mais également entre l’homme et la femme dans leur approche du sexe. Un bilan sans complaisance du tourisme sexuel et ses rouages. Edifiant. 

 

Isabelle Meursault

 

Date de parution : 23/10/2005

 

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