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                         Parmi
                        les sujets brûlants traités par les ouvrages
                        d’origine japonaise, les bombardements successifs de
                        Nagasaki et Hiroshima à la fin de la Seconde Guerre
                        Mondiale sont parmi les plus nombreux, et parmi les plus
                        intéressants. En effet, comme le Vietnam pour les Américains,
                        c’est un traumatisme commun et générationnel, imprimé
                        dans la mémoire collective du pays et de ses habitants,
                        qui a suivi ce terrible épisode de l’Histoire de l’île. 
                         
                        
                         
                        Ce
                         pays des
                        cerisiers fait donc partie de la somme de documents
                        ayant ce sujet pour thème, mais il s’en démarque par
                        l’atmosphère et l’ambiance douces et légères qui
                        émanent de ces délicates pages. Kouno
                        narre deux histoires : l’une se passe dix années
                        après le drame, en 1955, et évoque le traumatisme
                        toujours vif qui empêche une jeune fille de vivre
                        pleinement son existence. Une grande partie de sa
                        famille a disparu lors du drame, elle en garde de telles
                        séquelles qu’il lui est impossible d’avoir une vie
                        sociale normale. Elle évoque cela en une terrible
                        phrase : « le monde où tu vis n’est pas
                        ici ». L’autre histoire se déroule dans les années
                        2000, et dévoile une saga familiale en miniature où
                        souvenirs, regrets et mémoire générationnelle se
                        confondent avec une belle maestria. 
                         
                        
                         
                        En
                        une centaine de pages,
                        Fumiyo Kouno impose un talent de dessinatrice hors
                        pair, capable, comme Jiro
                        Taniguchi, de dire beaucoup de choses avec peu de
                        dialogues et des dessins simples et enfantins, presque
                        impressionnistes. Elle utilise à merveille les
                        contrastes de noir et blanc pour suggérer des scènes
                        actuelles et des flash-back de pensée. De plus, elle
                        apporte un beau regard sur les rapports de famille, où
                        les silences et les regards sont plus significatifs et
                        importants que les paroles. 
                         
                        
                         
                        Mais
                        c’est surtout son désir de ne pas « enterrer »
                        le drame de Hiroshima et ses séquelles irréversibles,
                        et de le signifier par ces histoires délicates mais
                        aussi très sombres, qui fait la grande force de cet
                        album. Pour que l’on n’oublie jamais l’horreur et
                        les souffrances de ces épisodes historiques, et leurs
                        marques indélébiles, tant physiques que morales, sur
                        les hommes. 
                         
                        
                         
                        Jean-François
                        Lahorgue  
                         
                         
                        Date
                        de parution : 21/04/2006 
                          
                        Plus+ 
                        www.mangakana.com 
                          
                          
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