| 
                               Cava
                              & Del Barrio - Les
                              ailes calmes vol.3 (Les Mémoires
                              d'Amoros)
                                    
                              Fremok
                              - 56 p, 14.50€ - 2004 
                                
                             | 
                           
                          
                            | 
                              
                             | 
                              | 
                           
                          
                            | 
                                 
                             | 
                           
                         
                           
                        On devrait par
                        exemple pouvoir comprendre que les choses sont sans
                        espoir, et cependant être décidé à les changer.
                        Francis
                        Scott Fitzgerald - La fêlure (1936) 
                          
                           
                        En
                        2000 et 2001, les éditions Amok avaient sorti les deux
                        premiers volumes de la série espagnole Les
                        mémoires d'Amoros, contant les enquêtes d'un
                        journaliste dans l'Espagne des années 20 et 30. 
                        Les
                        auteurs, qui y investissaient avec bonheur le genre
                        populaire de la bande dessinée policière, réalisaient
                        cependant avant tout deux albums marqués par une
                        approche engagée scrutant sans complaisances les
                        troubles de cette société des années 20 qui accoucha
                        de la dictature franquiste et, au-delà, de la barbarie
                        nazie. Cette conscience historique se voyait confirmée
                        dans la postface du deuxième volume, La
                        lumière d'un siècle mort, où le scénariste
                        Felipe H. Cava expliquait avoir modelé son personnage
                        principal en hommage à la figure incontournable en
                        Espagne du journaliste anarchiste Eduardo de Guzman.
                        Dans un registre proche, la démarche de Cava et
                        de Del Barrio nous fait beaucoup penser à celle
                        de l'excellent romancier mexicain Paco Ignacio Taibo
                        II. 
                         
                            Le premier volume, Signé
                        Mister Foo, plaçait Amoros dans une histoire où
                        des meurtres dans le milieu des immigrés philippins,
                        des anarchistes argentins en exil, un manipulateur
                        mabusien et un dénouement en plein bombardement de
                        Madrid par les forces franquistes 
                        tissaient une toile aux fils particulièrement
                        embrouillés. 
                        Dans
                        La lumière d'un
                        siècle mort, Angel Amoros était plongé dans une
                        histoire plus classique (mais tout aussi embrouillée)
                        de faussaires en art et de trafiquants meurtriers. Cette
                        fois, ce n'était plus l'univers de Fritz Lang qui
                        permettait de décrypter le message des auteurs mais la
                        peinture de Goya. Goya, auteur de portraits
                        qui regardent avec l'éclat de lucioles dans la nuit,
                        lui aussi lumière d'un siècle mort. 
                         
                        
                         
                           
                        Les ailes
                        calmes, dont la
                        sortie en francophonie nous ravit particulièrement
                        parce qu'à vrai dire nous ne l'attendions plus guère,
                        mêle une nouvelle fois enquête classique et
                        imbrication du récit dans la grande Histoire. Comme
                        dans tout bon polar qui se respecte, l'intrigue, fertile
                        en rebondissements et en personnages ambivalents, se révèle
                        palpitante et difficilement résumable. Soutenue par un
                        dessin en aplats de noirs, qui doit sans doute beaucoup
                        à l'école argentine de Breccia et Munoz,
                        elle se teinte d'ambiances très expressives qui
                        contribuent grandement à la réussite de l'album. 
                         
                        
                         
                           
                        Ici, Amoros recherche Mariano Buendia, un ami récemment
                        disparu alors qu'il séjournait dans un sanatorium spécialisé
                        dans le traitement des toxicomanes. Il commence alors à
                        enquêter dans le Madrid interlope des bars louches où
                        se côtoient petits malfrats, trafiquants et toxicos.
                        C'est là qu'il découvrira que c'est l'Histoire qui précipita
                        son ami dans l'enfer de la drogue, sous la forme de
                        soldats espagnols assiégés dans le désert marocain,
                        fruit d'une politique coloniale désastreuse. 
                         
                        
                         
                           
                        A travers cet album, les auteurs semblent nous montrer
                        que l'Histoire broie les individus sur son passage et
                        que seule la puissance de l'amitié inconditionnelle
                        peut parfois atténuer ses ravages et leur rendre une
                        pleine dignité... même s'il reste acquis, selon les
                        mots de Fitzgerald, que toute
                        vie est bien entendu un processus de démolition…
                           
                          
                        Frédéric
                        Bruart 
                        
                         
                          
                          
                           |