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                         Pour
                        ceux qui pensent encore que le manga est un genre de
                        sous-bande dessinée, violente et  réservée
                        à des pré-ados peu imaginatifs, NonNonBâ
                        est une excellente surprise qui devrait les faire taire.
                        Il s’agit à la fois d’une histoire
                        d’apprentissage, de passage de la vie d’enfant à
                        celle de jeune adulte responsable (thème récurrent
                        dans les arts nippons écrits comme visuels). Mais
                        c’est aussi une formidable découverte des croyances
                        et des légendes du Japon traditionnel des années 30. 
                         
                        
                         
                        L’ouvrage
                        débute par la rencontre du jeune Gege, surnom de
                        Shigeru (tiens, tiens, comme l’auteur…), passionné
                        de dessin et de guerre « des boutons »
                        qu’il mène avec les enfants de son petit village
                        rural, loin de l’agitation des grandes villes de l’île.
                        Celui-ci va se lier d’amitié avec NonNonBâ, petite
                        vieille veuve qui loue ses services – ménage, garde
                        d’enfant – de famille en famille, en échange d’un
                        toit…Tout en s’occupant de Shigeru, la 
                        « grand-mère » (comme il
                        l’appelle) va également lui faire découvrir le monde
                        des yokaï, ces esprits bienfaisants ou malfaisants qui
                        suivent et protègent les hommes dans des circonstances
                        spéciales, et qui peuvent intervenir dans leurs décisions,
                        leurs choix… Shigeru va peu à peu se dévoiler,
                        comprendre qui il est, devenir maître de sa vie…et
                        accepter également que l’existence n’a rien d’un
                        chemin paisible et peut à tout moment sombrer dans le
                        tragique. 
                         
                        
                         
                        Par
                        petites touches tour à tour réalistes ou oniriques, en
                        mêlant de nombreuses histoires de famille ou d’amis,
                        en croisant légendes, destins, merveilleux, surréalisme
                        et vie quotidienne dans le Japon rustre de 1930, Mizuki
                        signe une œuvre dense, splendide et riche. Elle aborde
                        surtout des thèmes méconnus dans notre monde
                        occidental : la part importante des croyances
                        populaires dans les vies des Japonais en milieu rural.
                        Tout le récit s’articule autour de légendes, de
                        personnages qui incarnent les peurs ou les inspirations
                        de ceux qui savent cohabiter avec eux : c’est
                        presque un monde parallèle qui nous est offert dans le
                        livre, un monde avec lequel et par lequel on décide de
                        sa vie. 
                         
                        
                         
                        A
                        la fois récit intimiste de l’auteur (c’en est
                        quasiment autobiographique) et paisible diaporama du
                        Japon d’avant-guerre, NonNonBâ
                        dévoile doucement ses charmes, au fur et à mesure des
                        rencontres de la vieille dame et de Gege, les histoires
                        s’écoulent paisiblement tout le long d’un scénario
                        qui reste jusqu’au bout en équilibre entre la comédie
                        douce-amère et la tragédie à peine appuyée.
                        Finalement, malgré sa thématique spécifiquement basée
                        sur la culture et les coutumes du pays du Soleil Levant,
                        le grand Prix d’Angoulême 2007 fait preuve d’une
                        magnifique universalité, jusque dans sa morale finale.
                        Respecter la nature, les autres, accepter son destin,
                        les aléas de la vie, et s’ouvrir aux autres, et
                        enfin, accepter l’idée d’un autre monde qui nous
                        aiderait à bâtir notre propre identité. De belles idées
                        pour un bel album. 
                         
                        
                         
                        Jean-François
                        Lahorgue
                          
                         
                          
                          
                          
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