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                               Simon Hureau - Colombe et la horde  
                                  
                              Ego
                              comme x - 88p, 16€ - 2004 
                                
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                        Alors ça y est, le voilà  l’album de l’année,
                        il était temps.  Il
                        a attendu quelques semaines sur ma table de nuit, avant
                        d’être lu ; je sentais bien qu’il allait se
                        passer quelque chose mais je repoussais l’échéance
                        avant de me lancer. 
                        Et
                        puis, un soir, très tard, je l’ouvre vraiment ce
                        livre, je lis deux trois cases avant d’éteindre.
                        Impossible ! Je suis scotché. J’ai le cœur qui
                        bat la chamade. Je sens que ça va mal finir, mais
                        j’espère quand même. J’adore ce dessin ;
                        vraiment très doué ce Simon Hureau qui n’en est qu’à son deuxième album ( cf la
                        chronique de Frédéric
                        Bruart pour Palaces). Il a tout compris et maîtrise
                        déjà son médium comme un vieux routier, d’un coup
                        comme ça. Il parait pourtant que la bande dessinée 
                        véhicule mal l’émotion, ah bon ! Qui a
                        dit cette connerie ? Qu’il lise ce livre. 
                          
                            
                        Un dessin qui a du style, un encrage vraiment sensuel,
                        j’y vois quelques références à Jean-Claude
                        Denis pour l’approche des personnages, d’autres
                        à Franquin (eh oui à Franquin)
                        pour certains décors, du Reiser
                        aussi, le tout à la sauce « indé ». Une
                        fluidité narrative exemplaire, celle ou tout parait
                        simple, celle où à l’évidence tout est tellement réfléchi
                        et maîtrisé que ça coule de source, celle où
                        l’effort est invisible. 
                        Evidemment,
                        j’ai tout lu d’une traite et je n’ai pas trop
                        dormi le reste de la nuit. Comment voulez-vous ne
                        pas avoir les tripes retournées après ça? 
                        C’est qu’on l’aime cette petite, sa naïveté
                        nous fait du bien, alors pourquoi ? 
                          
                           
                        Reprenons. C’est l’histoire d’une jeune fille,
                        retirée très jeune de sa famille biologique et qui
                        aspire à un bonheur simple, sans sophistication. Elle
                        aime emballer les pains au chocolat, elle aimerait voir
                        la mer, elle aimerait avoir une histoire d’amour, elle
                        croit que le monde a de beaux restes, l’ingénue, elle
                        ne connaît pas la règle du jeu, elle ne sait pas. Les
                        souffrances de sa prime enfance, elle les a oubliées,
                        elle n’en a plus de souvenirs autres que la souffrance
                        elle-même, instinctive, le malheur qui appelle le
                        malheur. On le verra. 
                        Edmond,
                        le fils de la patronne de sa mère, est amoureux
                        d’elle. Jeune adolescent mal dans sa peau,
                        grassouillet, il se réfugie dans cet amour platonique
                        et abstrait. Il aime l’aventure aussi, comme sa seule
                        amie, Cécile, celle qui sait gérer ses émotions, qui
                        sait où elle va et qui le prouvera. Comme Colombe elle
                        vient d’un milieu très modeste, mais équilibré et
                        aimant, on le comprend en une seule vignette magistrale. 
                        Et
                        puis il y a Etienne, le beauf radical, qui tune sa
                        voiture, qui collectionne les coups, pendant un mois il
                        doit coucher avec une fille différente chaque soir. Il
                        se rendra compte de la vacuité d’un tel défi mais un
                        peu tard. 
                        Et
                        enfin, la horde, la famille biologique de Colombe, celle
                        qui habite tout au bout de la ville, celle qui ne
                        cherche plus la survie que par la violence, qui assouvit
                        ses envies comme ça, bestialement, qui dévaste tout,
                        littéralement. 
                        La
                        mise en place est là. D’autres personnages viendront 
                        se greffer, tous ont leur personnalité, aucun
                        n’est anodin, et le livre peut se dérouler. 
                          
                           
                        Contrairement à la plupart des albums de cette
                        mouvance, ce livre n’est ni intimiste ni
                        autobiographique, c’est une fiction tirée d’un fait
                        divers parcouru dans Libé. Et c’est un album
                        important, l’un de ceux dont vous vous souviendrez
                        longtemps, l’un de ceux où certaines images vous
                        hanteront longtemps après la lecture, l’un de ceux
                        que vous aurez envie de faire lire à vos proches, à
                        ceux qui pensent du mal de la bande dessinée en général. 
                        Alors
                        bien sûr, certains personnages comme Etienne et la
                        horde sont caricaturaux. C’est vrai, mais c’est
                        aussi pour ça que ça fonctionne si bien. Comme le dit
                        le grand Will
                        Eisner, la narration fonctionne souvent avec des stéréotypes,
                        le tout est de trouver les bons. C’est ce qu’a
                        parfaitement compris Simon Hureau. Retenez bien ce nom ! 
                         
                        
                         
                        Philippe
                        Madar 
                          
                        Date
                        de parution : 8 novembre 2004 
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                        Simon
                        Hureau > Palaces 
                        www.ego-comme-x.com 
                          
                          
                          
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