| 
                               Alex
                              Robinson - De mal en pis       
                              Rackham/coll.
                              Morgan - 608p, 30€ - 2004 
                                
                             | 
                           
                          
                            | 
                              
                             | 
                              | 
                           
                          
                            | 
                                 
                             | 
                           
                         
                           
                        Attention, pavé ! Mais attention : très
                        grande BD. De mal en pis d’Alex Robinson
                        peut faire penser à Blankets : 600 pages,
                        un personnage masculin découvrant l’amour et
                        cherchant sa place dans le monde, la représentation du
                        milieu de la BD, etc…mais là où Blankets
                        semblait trop classique, De mal en pis parvient
                        à redynamiser ce qui devient un cliché du roman
                        graphique : le récit d’initiation contemporain. 
                          
                           
                        De mal en pis raconte donc une histoire, mais
                        surtout des histoires, et c’est ce qui en fait sa
                        richesse. La BD paraît centrée sur Sherman, 25 ans,
                        travaillant à sa grande désolation dans une librairie
                        et essayant vainemant d’écrire, accompagné de son
                        ami de fac Ed, qui rêve de vivre de ses comics et
                        surtout de sortir enfin avec une fille. Un petit monde
                        va se construire autour d’eux : Sherman vit une
                        histoire d’amour avec Dorothy, une journaliste
                        alcoolique férue de chiens, et vit en colocation avec
                        un couple, Stephen et Jane, prof et dessinatrice.
                        C’est à partir de ce mince canevas, leur quotidien,
                        que va se développer tout le livre (avec quelle ampleur !),
                        à quoi il faut rajouter l’extraordinaire Irving
                        Flavor, vieux dessinateur de comics de super-héros (80
                        ans…), qui va être projeté par Ed dans un absurde et
                        hilarant combat contre une Major qui cinquante ans
                        auparavant lui a soutiré les droits sur ses
                        personnages, droits qu’il veut retrouver
                        aujourd’hui. 
                         
                        
                         
                           
                        La force, et la chance, du livre, c’est cet aspect
                        choral : au lieu de se cantonner à suivre Sherman,
                        le récit suit et abandonne les multiples personnages :
                        ce n’est pas le récit d’une vie, mais de six, et
                        ces variations maintiennent constamment notre intérêt.
                        Les 600 pages pouvaient laisser présager des creux, de
                        la lassitude, et il n’en est rien : Alex
                        Robinson dote ses personnages d’une réelle épaisseur
                        de vie, une épaisseur romanesque qui nous attache à
                        eux, tous. 
                        Son
                        livre ne manque pas non plus d’humour : celui
                        provoqué par les surprises, puisque jamais ses
                        personnages ne s’enferment dans les clichés du genre :
                        Stephen, le mastodonte au look gothico-hardcore, se révèle
                        un esthète fou d’histoire ; Irving Flavor, la
                        « victime » des Majors, est plus souvent
                        insupportable que à plaindre ; en fait, plus on
                        suit leurs parcours, plus la complexité des personnages
                        se dévoile, plus nos prévisions se révèlent déjouées. 
                        L’autre
                        surprise du livre, plus anodine mais très maligne,
                        consiste à stopper le récit pour soumettre les
                        personnages à des questions-test, où à nouveau ils se
                        montrent sous un jour plus ludique, plus inattendu. 
                        Alex
                        Robinson a donc repris à son compte tout ce que les
                        romans graphiques générationnels ont semé dans la BD
                        contemporaine, et a tout poussé à son exploitation
                        maximale. Son œuvre apparaît donc comme une somme, un
                        sommet !, et par son incursion dans le monde assez
                        stupéfiant des comics de super-héros (l’hilarant
                        colloque rappelle le Pussey de Daniel Clowes),
                        redynamise ce genre en lui apportant de nouvelles thématiques. 
                          
                           
                        Peu à peu, nos attentes quelque peu lassées sont
                        relancées, et plus le livre avance, plus on se demande
                        où on va, et surtout avec qui on va…après 600 pages,
                        l’épilogue arrive, et ce n’est pas un mince exploit
                        que de ne pas conclure, pour au contraire nous laisser définitivement
                        intrigués, devant tant de richesses, tant de « destins »
                        si longs à se concrétiser…et nous restons face à un
                        inattendu malaise, après tant de sourires…une révélation. 
                          
                        Matthieu
                        Jaubert 
                          
                                          
                                
                        
                        
                        
                         
                        Date
                        de parution : 24/11/2004 
                          
                        Plus+ 
                        www.editions-rackham.com
                         
                          
                          
                       |