cinéma

12 and Holding de Michael Cuesta

[4.5]

 

 

On attend toujours avec impatience le second film d’un réalisateur qui nous avait séduits dès son premier long-métrage. Après Long Island Expressway – mettant en scène la relation ambiguë entre un garçon de quinze ans et un quinquagénaire -, l’américain Michael Cuesta nous revient donc avec 12 and Holding.

 

Le chiffre du titre fait directement référence à l’âge des trois protagonistes : une fille Malee et deux garçons Leonard et Jacob, qui se connaissent sans être très proches, ébranlés par la mort accidentelle du frère jumeau de Jacob. La tragédie sert ainsi de catalyseur à la rupture avec l’enfance et à l’entrée abrupte et irréversible dans l’adolescence. Michael Cuesta dresse le portrait de trois êtres attachants et déjà complexes, chacun se débattant avec ses questions et cherchant des réponses pour grandir. Jacob, le jumeau de Rudy, est un garçon pleutre et réservé, qui doit d’abord se libérer de la culpabilité à ne pas avoir suivi son frère pour surveiller la cabane au fond de la forêt dans laquelle Rudy mourra brûlé, avant d’être en mesure d’affronter les deux gamins incendiaires au pénitencier local. Leonard est lui un enfant obèse vivant au milieu d’une famille d’obèses pas du tout décidée à changer de style de vie, désemparée devant l’ambition de Leonard à surveiller et modifier son alimentation pour pouvoir maigrir. Enfin, Malee – Zoe Weizenbaum absolument délicieuse - est une petite fille intelligente et éveillée, qui vit seule avec sa mère psychiatre renommée et qui tombe amoureuse d’un ouvrier forestier, patient de sa mère.

 

Trois parcours presque séparés, les trois préadolescents étant rarement ensemble, traités avec la même proximité – les gros plans sur les visages sont nombreux – et la même sensibilité. Malgré le caractère apparemment violent et scabreux des histoires individuelles, Michael Cuesta évite de tomber dans un travers racoleur et voyeuriste. La relation étrange, entre séduction avérée et quête d’un père de substitution, qui s’installe entre une Malee très volontariste et l’ouvrier, ex-pompier en lutte avec son passé traumatisant, n’est jamais ridicule ni obscène.

L’étonnement provient aussi du discours tenu par les trois préadolescents : le sérieux et l’intelligence clairvoyante de leurs propos les propulsent dans l’âge adulte bien avant l’heure. Jacob se reconstruit seul face à ses parents déstabilisés, semblant trouver une solution saugrenue dans l’adoption d’un garçon. Leonard choisit une issue extrême et savoureuse pour persuader sa mère de changer de cap en matière d’alimentation. Et Malee converse d’égale à égale avec sa mère autoritaire, sûre de son bon droit et de la force de son savoir psychiatrique.

 

A douze ans, on voue généralement un amour immense et unique à ses parents. Immense parce qu’unique, le cœur ne connaissant pas encore les affres de l’autre amour. C’est pourquoi est-il inenvisageable de les décevoir, de les perdre, de les voir ou les rendre malheureux. Dans la tête d’enfants tout juste sortis des jeux innocents peuvent germer des idées folles et fatales pour continuer à se faire aimer, dans lesquelles la notion de mal ou de conscience n’intervient pas forcément.

Chacun à leur manière, Malee, Jacob et Leonard tournent le dos au monde enchanteur de l’enfance et tente de trouver leur place dans le monde. Michael Cuesta filme la métamorphose avec humour, honnêteté et distance respectueuse et sensibilité à fleur de peau. Et confirme du même coup son talent à se pencher sur l’adolescence et ses tourments.

 

Patrick Braganti

 

Drame américain – 1 h 34 – Sortie le 20 Septembre 2006

 

Avec Conor Donovan, Jesse Camacho, Zoe Weizenbaum