cinéma

2 days in Paris de Julie Delpy

[3.5]

 

 

Expatriée depuis quelques années à Los Angeles, Julie Delpy revient à Paris pour réaliser son second long métrage (après le confidentiel Looking for jimmy), et ce n’est sûrement pas un hommage à la ville-lumière comme avait pu l’être les amourettes de Paris, je t’aime. Le couple franco-américain, formé par Julie Delpy (Marion) et Adam Goldberg (Jack), fait naufrage entre Venise et New York, chez les parents de Marion. Les deux amoureux portent leurs croix sur les pavés parisiens, en attendant la fin du déluge. Paris c’est l’enfer, dira l’américain. Pas que pour lui.

Pourtant 2 days in paris est empreint d’une légèreté virevoltante, qui doit beaucoup à Marion, narratrice en voix off. Le début du film lui permet de raconter ces petites anecdotes de jeunesse à la manière d’une Amélie Poulain sans le vernis écœurant de Jeunet. Marion nous invite chez elle, une famille parisienne gentiment anar, libertaire, et un poil franchouillard. Le père se délecte d’un Lapin dépecée en parlant littérature américaine, sorte de Jean Pierre Coffe libidineux et intello. Alors que la mère avoue avec grivoiserie les belles années Peace and -surtout- Love de la révolution sexuelle des années 60. Cette comédie gicle dans tous les sens, se laissant aller à un bordel virtuose, car la réalisatrice française contrôle ce désordre apparent par un resserrement autour du couple.
Le film s’échappe et suit ainsi les deux personnages dans leurs pérégrinations parisiennes, soumises aux envies faiblardes de touristes quelconques. Le couple dérive et révèle les creux qui mettent à mal une relation déjà essoufflée par le voyage vénitien. Adam et Marion vont peu à peu découvrir les incompréhensions liées aux différences culturelles d’un couple franco-américain. Et c’est avec humour que Julie Delpy tire les bénéfices d’une liaison aussi explosive qu’improbable entre deux personnes tout à fait opposés ; deux cultures qu’on aime tant confronter.

2 Days in Paris respire la maîtrise lâche d’une réalisatrice qui, sur un ton libertaire et rafraîchissant, s’amuse des caricatures les plus cocasses : Jack est l’américain hypocondriaque, hygiéniste, un brin cynique, affolé par les terroristes… les amis de Marion, artistes contemporains, ne sont obsédés que par une chose : cul, cul, cul… Delpy flingue un à un ses personnages, qui affublés des pires stéréotypes, conserve néanmoins la sympathie du spectateur pour leur coté « loser magnifique ».
Delpy, en roue libre, s’attaque alors aux chauffeurs de taxi avec une hargne sans pareil. Mais son excès, ici, gène quelque peu par la stigmatisation sans complaisance, qui ne laisse aucune chance à ces types.
Julie Delpy passe au vitriol notre bonne vielle capitale, comme si elle avait un compte à régler avec un pays qu’elle a quitté depuis longtemps ? Ou, peut être comme un vieil amour lointain qui s’est mué en une aigreur tenace… On est en droit de s’interroger, d’autant plus que le film ne masque pas ses accents autobiographiques. (Delpy a engagé ses parents pour jouer leurs propres rôles… etc.)
Mais, Delpy joue le rôle d’une photographe atteinte d’une pigmentation de la vue. N’est ce pas la confession initiale d’un regard biaisé sur le monde qu’elle perçoit ? L’aveu même que tout ce qu’elle donne à regarder serait creusé par une vision du monde singulière. En annonçant dès le début du film ces problèmes oculaires, Marion nous prévient de ses futurs excès. Faute avouée, faute à demi pardonnée, dit le proverbe.

Comédie romantique proche de l’univers allenien, 2 days in Paris révèle un talent iconoclaste en la personne de Julie Delpy. Encore une raison pour ne pas bouder le cinéma l’été, ça serait dommage de rater les quelques rayons de soleil qui se permettent de faire briller cette comédie effrontée.

Maxime Cazin

Comédie Romantique française, allemande – 1 h 50 – Sortie : le 11 juillet 2007
Avec Julie Delpy, Adam Goldberg, Albert Delpy, Marie Pillet