cinéma

After the wedding de Susanne Bier

[3.0]

 

 

Le Danemark est à la page, et pas seulement auprès de nos hommes politiques qui n’ont de cesse de nous rebattre les oreilles avec son présumé modèle social et économique qu’il serait bienvenu de copier au plus vite. C’est aussi le cinéma danois qui donne actuellement de ses nouvelles : après le dernier opus de Lars von Trier (Le Direktor), fer de lance des réalisateurs bataves, Susanne Bier, disciple du maître qui produit le film, sous influence manifeste des préceptes du Dogme, présente After the wedding, drame familial, initié par la mise en présence de quelques personnes lors d’un mariage.

 

Pour qu’il y ait un après, il faut évidemment un avant, qui sert à installer les protagonistes dans leurs univers respectifs. Jacob, géant hollandais, s’occupe d’un orphelinat en Inde confronté à de graves difficultés financières qui menacent sa pérennité et l’obligent à revenir au Danemark pour présenter à un homme d’affaires mécène un projet de soutien : Jorgen, que l’on découvre d’abord dans son immense demeure, jouant avec ses fils jumeaux, expliquant quelques rudiments informatiques à sa mère et rejoignant sa belle épouse Hélène dans son bain. Un tableau idyllique d’un bonheur prospère et serein, encore renforcé par la perspective du mariage en grande pompe de Anna, la fille du couple. Un mariage auquel Jorgen convie Jacob après un premier rendez-vous froid et distant.

Une invitation qui ne doit rien au hasard comme le comprend  très vite Jacob. Hélène est en effet son ancienne amie qu’il a laissé quitter l’Inde seule il y a bien longtemps. Seule, mais enceinte de…Anna. La révélation de la paternité vient perturber le dessein de Jacob, devenu le jouet d’un Jorgen manipulateur, obéissant à des motivations en apparence tordues. Mais rien n’est si simple.

 

C’est bien connu : les apparences sont toujours trompeuses. Le rappel du passé agité de Jacob par Hélène fissure l’image lisse d’un humaniste dévoué à la cause des gamins indiens. Et la richesse ostentatoire de Jorgen et sa famille n’apporte guère de bonheur. En découvrant que Jacob est son père, Anna s’éloigne de sa mère et semble se passionner pour cet homme exotique et mystérieux.

Si tous ces malheurs somme toute banals de petite fille riche n’ont rien de très original, donc de captivant, c’est davantage le traitement que réserve Susanne Bier à ses personnages qui retient l’attention. Sa caméra les entoure, les scrute au plus près, notamment au niveau des yeux et du regard dans lesquels elle plonge pour y trouver leurs blessures enfouies et leur vérité profonde. Dans le quatuor des impliqués, Jorgen, partie rajoutée qui devrait être en conséquence le plus détaché, compose en fait le personnage le plus complexe et le plus tourmenté. Est-il un cynique homme d’affaires, arrogant et habitué à être craint et obéi, ou un homme droit et intègre, voulant coûte que coûte le bonheur de sa famille ? L’ambiguïté naît aussi du physique peu avantageux de Rolf Lassgard qui interprète Jorgen, notamment à côté du fringant et troublant Mads Mikkelsen.

 

La société des nantis et des puissants danois – qui néanmoins ne parviennent pas à se faire servir une seconde bouteille de schnaps dans un restaurant où l’on surveille de près le niveau d’enivrement du client – n’est en rien préservée des peines et des déceptions.

La radiographie clinique et sans relâche de Susanne Bier n’évite pas toujours les poncifs et After the wedding, dans son dénouement entendu marqué par le retour de Jacob en Inde, s’inscrit dans la bonne conscience retrouvée. Tout rentre dans l’ordre ; oui, décidément une société bien lisse et bien terne. Un modèle à suivre, vraiment ?

 

Patrick Braganti

 

Drame danois – 2 h 00 – Sortie le 7 Mars 2007

 

Avec Mads Mikkelsen, Sidse Babett Knudsen, Rolf Lassgard

 

Plus+

www.afterthewedding-lefilm.com