cinéma

Delirious de tom Dicillo

[3.5]

 

 

Nouvelle satire foutraque de Tom DiCillo, Delirious se raconte comme un conte de fée doux-dingue, habitée par la plus frivole des princesses : Michael Pitt. Pitch simplissime : un jeune SDF (Michael Pitt), recueilli par un paparazzo (Steve Buscemi) qui en fait son assistant, se retrouve projeté par accident au devant de la scène. Il rencontrera la starlette du moment qui le rendra fou amoureux. En réalisant cette fable, DiCillo consacre la bouille charnue de Michael Pitt en faisant de lui une star dans le film, mais surtout en saluant le talent singulier de cet acteur. Delirious repose donc sur la mine ingénue d’un candide traversant les lieux sans jugement aucun, à la recherche de la femme désirée. Dit ainsi, on a l’impression d’avoir à faire avec un remake d’un conte voltairien par l’équipe de Dawson. Mais, la fable vécue par Toby se teinte d’une désillusion décrépite au point qu’elle n’arrive jamais ni à se convaincre elle-même, ni le spectateur. C’est ce détachement qui rend la satire de DiCillo particulièrement maligne et gracieuse.

 

Le film met en place deux univers très opposés : les peoples (« pipole » comme on dit aujourd’hui) et la rue incarnée par un SDF et un photographe raté, qui affichent une paradoxale dépendance aux idoles. Galantine (S.Buscemi) gagne son pain à les mitrailler de clichés, tandis que Toby (M.Pitt) vit d’amour et d’eau fraîche en pensant à la jeune chanteuse (Alison Lohman). Et puis sans eux, les idoles ne seraient pas. Le paparazzo, conscient de cette dépendance, affirme néanmoins, à de nombreuses reprises l’égalité entre ces deux mondes. Mais au contraire de son naïf esclave, il sera toujours à l’extérieur, comme pris d’un sentiment de classe qu’il dissimulera derrière son objectif. Car, toujours bon à régler le compte des uns et des autres, Galantine se marginalise car il maintient son appareil entre le monde extérieur et lui, comme une façon définitive de juger les gens, figés à jamais sur la pellicule. L’obturateur photographique devenant par cette occasion le cache d’une réalité en mouvement à laquelle il ne veut, il ne peut accéder. 

DiCillo cadre son film sur les entrées, les sorties, les accès restrictifs, et les transgressions de frontières, que seul le SDF errant saura accomplir. Galantine ratera l’entrée, sera contrôlé par les vigils, ou abandonnée par son assistant, lequel finira absorbé par le regard de sa chanteuse vénérée.   

 

Toby réussit, malgré lui, à se faufiler au plus près de ce monde de strass et de paillettes. Cet improbable enchaînement de situations lui donne un caractère surnaturel. Le garçon de la rue sera invité partout, deviendra acteur, rencontrera son idole, devenant lui-même la star que tout le monde s’arrache. Et ce n’est pas sa gueule d’ange qui ira à l’encontre de ce succès soudain, car à l’image de ces chérubins de la providence, il survole les lieux traversés dans un état extatique proche de l’Apparition. Dans certaines scènes, son regard cristallin, sa blondeur native seront éclairés par une lumière impossible digne des lueurs divines. L’ange n’est certainement pas la popstar de pacotille dans Delirious, mais bien Michael Pitt, qui trimballe son attachante insouciance jusqu’aux dernières secondes d’un film qui se décolle de plus en plus du réalisme taché, râpé des rues de New York.  

 

En effet, l’irréalité croissante du personnage confère au film un pessimisme caché, ajoutant à la satire initiale un second degré pertinent. On se demanderait même si Michael Pitt ne rêve pas tout simplement de sa belle aimée, coincé dans son cagibi-lit que lui avait proposé si généreusement Galantine. Par cette variation, Delirious se charge d’un plombant pessimisme, qui n’apparaît que sous les apparences d’une bluette heureuse et anodine. DiCillo dresse le constat d’une émulation impossible entre la rue et les idoles, qui fixent entre eux un rapport distancié. Peut on vraiment croire à cette idylle ? Ou n’est-ce pas tout simplement l’imagination fantasmatique nourrie par cette distance entre idoles et star ? Il semble que la fable Delirious, à travers l’aventure délirante de Toby, ne reflète tout simplement que les fantasmes engendrés par l’idolâtrie et la starification des images populaires, plutôt que la simple amourette d’un gosse de la rue et d’une mignonne starlette.

 

Maxime Cazin

 

Comédie Américaine – 1 h 47 – Sortie le 4 juillet 2007

Avec Steve Buscemi, Michael Pitt, Alison Lohman…

 

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www.delirious-lefilm.com