cinéma

Khamosh pani de Sabiha Sumar 

 
 

    Le synopsis : A la fin des années 70, Aïcha, femme épanouie d’une quarantaine d’années, vivant dans un petit village du Pendjab pakistanais, va voir ressurgir son passé, qu’elle a gardé secret. Depuis la mort de son mari, elle s’occupe de son fils Salim, garçon sensible et attachant, sûrement assez influençable, qui va rapidement évoluer comme musulman intégriste. En effet, le général Zia a pris le pouvoir et instauré une loi martiale, poussant le pays à s’engager sur la voie de l’islamisation. Certains militants fondamentalistes vont ainsi de village en village, essayant de rameuter des jeunes. Ainsi, et petit à petit, Salim va délaisser sa fiancée Zoubira, et devenir de plus en plus fanatique et intransigeant... au grand désespoir de sa mère. Avec l’arrivée de quelques sikhs pour un pèlerinage, les événements vont s’accélérer, et le passé d’Aïcha refaire surface...

 

    Khamosh Pani trace avant tout un très beau portrait d’une femme courageuse, digne et attachante (interprétée par Kirron Kher), qui va se retrouver à nouveau confrontée à l’Histoire de son pays, comme si celle-ci se répétait, ce qui va provoquer chez elle une crise identitaire qui va l’amener à côtoyer à nouveau le gouffre, symbolisée ici par un puits sans fond, où le pire a déjà eu lieu...

 

    Le traitement filmique est sobre et classique, un poil trop académique et conventionnel peut-être, avec quelques flash-back évoquant le traumatisme initial qu’a vécu Aïcha en 1947, et qu’elle avait pourtant tenté d’oublier. Mais comme chacun sait, l’histoire, universelle comme personnelle, rattrape toujours les siens... Et les sikhs et les musulmans sont ici mis d’ailleurs sur le même plan, face aux femmes finalement toujours victimes, dans ce pays misogyne et pourtant assez matriarcal.

 

    Agée d’une quarantaine d’années, la cinéaste Sabiha Sumar a suivi des études de cinéma à New York, filmé plusieurs documentaires sur les conditions de vie des femmes (sujet qui lui tient visiblement à cœur), avant de s’attaquer à la fiction, et remporté pour ce premier long métrage le Leonardo d’or et le prix d’interprétation féminine au festival de Locarno.

 

    Elle sait retranscrire la force intérieure et la dignité des femmes de son pays, qui ont pourtant bien peu de poids à l’intérieur de la société, hormis celui de devoir gérer le quotidien. Le mécanisme de l’engagement religieux (politique ?) est également bien montré, au sein de ce petit village où les habitants sont simples, authentiques, chaleureux et porteurs d’humanisme. Et où pourtant certains sont bien prompts à s’engager avec virulence et haine dans une voie beaucoup plus radicale...

 

    Malgré quelques longueurs (dont on profite d’autant que les couleurs et les images sont belles) et malgré (à cause ?) de la distanciation du regard de la cinéaste, la fin apparaît d’autant plus cruelle et pourtant réaliste, montrant ainsi la vision peu optimiste, et sûrement réaliste, de Sabiha Sumar sur l’impossible réconciliation entre musulmans et sikhs et sur la dure condition des femmes, qu’elles soient mères, épouses ou fiancées.

 

    Ce film qui parle aussi avec finesse du poids du secret, des silences imposés, de la mémoire collective qu’on met volontairement de côté... montre combien la montée islamique qui signe l’histoire du Pakistan est révélatrice de mécanismes de comportement difficiles à changer. Au final, un film réaliste, mi documentaire, mi fiction, intéressant à voir sur un sujet peu traité au cinéma.

 

Cathie