cinéma

Le mystère de la chambre jaune de Bruno Podalydès    

 

   Ah le bon film ! Peut-être pas un chef d’œuvre, ni même le meilleur que son réalisateur ait signé, mais une oeuvre (c’est si rare), tenue de bout en bout, écrite, pensée et filmée avec justesse, intelligence et subtilité.

 

    L’histoire, tout le monde ou presque la connaît pour l’avoir lue le plus souvent dans son adolescence : comment l’agresseur de Mathilde, fille du célèbre professeur Stangerson a-t-il pu entrer et sortir de la chambre jaune, fermée de l’intérieur ? Quels sont ses mobiles et bien sûr qui est-il ? C’est ce que le reporter Rouletabille va tenter de découvrir en compagnie de son fidèle photographe Sainclair, et aux côtés ( ? ) du redoutable inspecteur de police Frédéric Larsan.

 

    La première réussite de Podalydes est d’avoir assemblé un casting hétéroclite mais des plus harmonieux : son frère Denis, habituel alter-ego et réceptacle de ses tourments, lâchetés et petites victoires intimes, et l’excellent Jean-Noël Brouté, forment un duo comique imparable à l’esprit toujours en éveil; à leurs côtés, le trop rare Michael Lonsdale apporte son jeu lunaire à son personnage de scientifique impénitent ; Sabine Azéma et Pierre Arditi (que ce dernier est bon lorsqu’il ne se compromet pas dans des téléfilms de troisième zone !) assurent le lien avec le cinéma d’auteur d’Alain Resnais, et s’amusent visiblement beaucoup de tant de fantaisie (de même qu’un Claude Rich en grande forme) ; enfin, Olivier Gourmet est comme à l’accoutumée tout en mystère et intériorité.

 

    Tout ce beau monde prend un malin plaisir à bâtir un climat éminemment tintinesque, à la fois délicieusement suranné et indubitablement moderne : c’est la grande prouesse de Podalydès que d’avoir réussi à fondre son univers personnel dans ce monument du patrimoine français, pour en livrer à la fois un film de facture classique, en costumes (genre franco-français s’il en est) et une œuvre gentiment irrévérencieuse : c’est "Dieu seul me voit à Moulinsart" qui se joue sous nos yeux. Concrètement cela nous vaut des joutes oratoires spirituelles, des réparties incongrues à l’humour décalé, des scènes uniques d’un autre temps : voir l’hallucinante séquence dite de la pendule, LA scène comique de ces dernières années, véritable perle de burlesque étiré jusqu’à plus soif, digne du meilleur cinéma muet.

 

    Et lorsqu’il s’agit de résoudre le mystère à proprement parler, lorsqu’il met en scène la mise en scène de Rouletabille, c’est à l’essence même du cinéma (des personnages qu’on manipule dans un but et un cadre bien précis) qu’il nous invite à goûter. Son art aquiert alors véritablement une toute autre dimension et le hisse au niveau des plus grands.

 

    On ne sait encore très bien ce qu’il en est de la suite des aventures cinématographiques du héros de Gaston Leroux, mais une chose est sûre, nous attendons déjà avec impatience celles de la fratrie Podalydès.

 

Laurent