cinéma

Little Children de Todd Field

[2.5]

 

 

Little Children est un film de scénariste, huilé comme un moteur de Formule 1, articulé comme un pantin du Luxembourg, rond comme un cercle, fermé sur lui, logique et raisonnable. Il ressort de cette catégorie bien connue des films-satires qui prétendent soulever la chape de plomb posée sur une époque et un lieu, la middle class américaine, province névrotique, banlieues huppées, jeu des apparences. Propos rabâchés donc, au moins depuis l’assez bon American Beauty qui déjà pourtant souffrait d’un trop besoin de cohérence, d’une cohésion limite pleine de morgue et de mépris envers son sujet : ce monde décrit au fond serait si simple, mécanique décelable à l’envi, schéma classique qu’ont prolongé les Desperate Housewives désormais en pilotage automatique vain et vu.

 

On retrouve dans le film de Todd Field les figures attendues : mères au foyer puritaines, mari sexuellement régressif, flic fascisant, vierges de bourg, adultère sans portée. Le défilé des nouveautés (freaks actualisés) nous est si familier qu’on attend impatiemment le dérèglement, qui jamais ne viendra. Plus que son emballage pseudo-littéraire, le vrai-faux vacillement des positions ou l’interchangeabilité des rôles (flic empathique, méchant victime et coupable), Little Children fonde sa valeur sur cette attente déjouée, l’espoir insistant en un saut périlleux par-dessus la foule des clichés, son incapacité à se laisser dominer par le cinéma pur, à laisser la caméra prendre le dessus sur l’écrit (bas de gamme : scénario explicite et direct).

 

Constat d’autant plus regrettable que Field sait user de sa caméra comme d’un harpon qui saisit la matière, les peaux, les arbres, la nuit. Symbole de cette impasse finale : une longue marche au crépuscule, avancée somptueuse et muette vers l’inconnu, qui fait plouf. Le constat est accablant ; cette réalisation bridée au service du scénario est un aveu tranquille de non-cinéma, l’écrabouillement des textures sous le poids d’un logos pâteux ; bref : la gloire du concept.

 

Christophe Malléjac 

 

Film américain (2005) – 2 H 20 – Sortie le 24 janvier 2007

Avec Kate Winslet, Patrick Wilson, Jennifer Connelly