cinéma

Mari-Jo et ses deux amours de Robert Guédiguian  1/2

    Même s’il n’arrive pas toujours à la hauteur de ses deux derniers films (La ville est tranquille – Marie Jo et ses deux amours), le cinéma de Robert Guédiguian me paraît réellement nécessaire pour deux types distincts de raisons.D’abord, nous avons affaire ici à un cinéma social, qui sait dépeindre la fameuse désormais France d’en bas. Il faut aussi rappeler que ce n’est pas si courant en France, si l’on excepte le travail de Laurent Cantet ou encore le sublime Trois Huit…..Bien sûr, dans Marie Jo….les protagonistes ont plutôt grimpé dans l’échelle sociale, mais on y sent toujours que le travail y a une part non négligeable : scènes de chantier, ou de manœuvres de bateaux dans le port de Marseille. Cela rend donc le film plus authentique. Dans ce cru 2002, Guédiguian privilégie le côte romantique sans ôter à ses personnages leur ancrage dans la vie quotidienne.

    Ensuite, il convient de mentionner et de ne pas oublier que c’est aussi et avant tout du cinéma avec tout ce que cela comporte en termes de mise en scène, de lumière, de cadrages et de jeux des acteurs. Qui nul autre que Guédiguian sait filmer aussi bien Marseille, personnage à part entière du film : bleus magnifiques et différents, lumières de plein jour et de crépuscule ? Et puis il y a ses acteurs, au premier rang desquels se trouve Ariane Ascaride, que son metteur en scène de mari cadre et filme de façon sublime. On ne dira jamais assez combien les femmes filmées par leur compagnon sont transcendées, parce qu’il s’agit ici d’abord d’une preuve d’amour. Souvenons-nous de Cassavetes et Gena Rowlands. Ici, on comprend qu’il s’agit aussi d’une famille, d’une bande de copains que l’on finit par retrouver, par connaître. Jean-Pierre Darroussin excelle plus que jamais dans le rôle de l’homme blessé, meurtri, qui se bat avec lui-même. G Meylan en baroudeur amoureux apporte à sa prestation beaucoup de sobriété et de douleur souvent intériorisée. Mais la plus belle scène du film, on la doit incontestablement à Jaques Boudet, en vieux malade un peu fou, refusant à Ariane Ascaride de partager son histoire, parce que les siennes lui suffisent et qu’elle doit aussi vivre ces moments-là pour pouvoir demain s’en souvenir. Passe ainsi le spectre de la fin, du temps écoulé. Car c’est aussi la force de ce film à donner à voir une histoire qui pourrait apparaître scabreuse ou un peu immorale, mais qui sait justement éviter tous ces écueils et nous faire entrer de plein pied dans le terrible dilemme vécu par Marie Jo.

    Ici, la tolérance et la générosité de cœur sont au rendez-vous, et l’on comprend d’autant mieux la réaction violente, car douloureuse et puérile, de la fille de Marie Jo, qui dès lors apparaît très éloignée, un peu étrangère, de ce monde.Ce film qui aurait pu susciter une vision rétrécie, intolérante est avant tout un hymne à l’amour et donc à la vie, ce qui est d’ailleurs presque toujours le cas chez Robert Guédiguian. Et s’il nous bouleverse autant, c’est sans doute parce que, dans le cœur de chacun, il existe cette étincelle et ce  goût du bonheur qui jaillissent de si belle manière dans les yeux de Marie Jo.

Patrick B.