cinéma

Noi albinoi de Dagur Kari   1/2

 

    A l’heure où la canicule frappe notre pays, il est plus que salutaire de se précipiter dans une salle obscure et climatisée pour aller voir ce qui constitue d’ores et déjà le film réussite/ovni de cet été, et partant la révélation d’un nouveau cinéaste venu des grands froids nordiques.

    Bien sûr, à la vision de ces images bleutées et parfois glauques et de cet univers décalé, qui s’attache à l’existence de personnages à priori sans reliefs et souvent proche du non-sense, on pense immédiatement et à juste titre à Kaurismaki, dont effectivement le film de Dagur Kari est très proche à plus d’un titre.

     

    Noi, adolescent islandais au système pileux déficient, cancre fini au lycée, mais probablement pas loin d’être surdoué aux dires de son proviseur, érige la paresse indolente et l’absence de véritables réactions en art subtil. Vivant chez une grand-mère totalement à côté de ses pompes, qui passe ses journées à assembler un énorme puzzle et qui le réveille par des tirs de carabine, séparé d’un père chauffeur de taxi looser plutôt magnifique qui soigne ses rages de dents à coups de rasades d’alcool, Noi trimballe sa nonchalance dans cette petite bourgade nichée au fin fond d’un fjord, dont nous ne côtoierons uniquement que quelques habitants : le libraire foutraque amateur de Kierkegaard et sa jolie fille, serveuse à la station-service locale, dont Noi tombe instantanément amoureux, les profs déjantés du lycée (ah la scène de l’apprentissage de la mayonnaise par le prof de français est un sommet d’humour froid), le garagiste extralucide à ses heures perdues et le copain de lycée David, rejeton d’un père diamétralement opposé à celui de Noi.

    

    Dans des décors dépouillés au possible, qui renforcent l’impression générale de temps suspendu et d’inactivité généralisée, où le blanc de la neige et de la glace prédomine forcément, Dagur Kari fait évoluer cet adolescent qu’il nous rend subtilement attachant. Car celui-ci n’est sans doute pas qu’un branleur même sympathique. Très vite, on le perçoit comme un électron libre peinant à trouver sa place – et on le comprend aisément – dans cette bourgade isolée, mesurant très vite que la seule solution sera pour lui de quitter le coin, cette île qu’il compare lors d’une visite nocturne au musée d’histoire naturelle à un crachat sut le globe terrestre.

    

    Confortablement nichés au creux ce film qui nous provoque souvent des rires francs et complices, nous sommes d’autant plus cueillis à froid par une fin dont on ne dira rien de plus ici évidemment, forcément riche en significations et enseignements.

Grâce à des comédiens remarquables – le jeune Tomas Lemarquis, sorte de jeune jumeau du chanteur Dominique Dalcan et pote de lycée du réalisateur est époustouflant – et à un chapelet de personnages étonnants, décalés et attachants, ce premier film, à la partition musicale très post-rock, fait totalement mouche et constitue donc un des coups de cœur assurés de cette année 2003.

Embarquez vous illico pour ce voyage aux pays des fjords enneigés, dépaysant en diable. Vous ne le regretterez pas.

 

Patrick