cinéma

Pour aller au ciel, il faut mourir de Djamshed Usmonov

[4.0]

 

 

Jeune marié de vingt ans, Kamal a un énorme problème : il n’arrive pas à satisfaire Loteh, son épouse depuis trois mois. La première scène du film est une double mise à nu du personnage : un déshabillage total et méthodique derrière une porte, qui n’est autre que celle du cabinet d’un médecin connaissant bien Kamal et lui proposant le recours à une femme mûre susceptible d’initier son patient et du coup la confession que l’on imagine malaisée du garçon.

Parti en train pour la grande ville où demeure son cousin, Kamal ressent des troubles face à une voyageuse dont il partage le compartiment. Toujours aussi peu performant avec la prostituée dénichée par le cousin, Kamal est attiré par Véra, une jeune femme croisée dans un bus. Qu’il épie, qu’il traque – belle scène de Kamal fendant la foule des ouvrières au sortir de l’usine - jusqu’à dormir avec elle, mais sans aller plus loin. Le retour inopiné du mari de Véra qui la découvre couchée avec Kamal entraîne ce dernier sur les voies dangereuses de la délinquance, semblant l’éloigner davantage de l’objectif de son déplacement.

 

De Kamal, on entend peu le son de la voix, mais on retient surtout l’expression et l’intensité du regard doux et pénétrant qu’il porte sur le monde qui l’entoure et ses occupants : interrogateur, perplexe mais le plus souvent docile et acceptant les aléas du destin sans rechigner, s’en accommodant avec à-propos. Il se retrouve ainsi embringué dans des affaires louches sans piper mot, sous l’autorité incontestable du mari de Véra. Ce mutisme qu’il ne faut pas assimiler à un statut de béni-oui-oui n’empêche pas le jeune homme d’agir au moment fatal et de parvenir enfin à son but.

Loin de l’aspect folklorique de son précédent film L’ange de l’épaule droite, Djamshed Usmonov, qui a subtilement baptisé de son patronyme le médecin bienveillant consulté par Kamal, élargit le cadre et flirte avec l’universel : le garçon villageois n’est nullement décrit comme un péquenaud rustre et la trame pourrait en effet prendre place dans n’importe quel coin du monde.

 

Pour aller au ciel, il faut mourir se révèle donc le singulier récit d’apprentissage d’un curieux garçon, sorte de grand dadais curieux et étonnamment naïf, ballotté entre de savoureuses expériences où la trivialité le dispute à la grâce. Et Djamshed Usmonov a été bien inspiré de faire appel à son neveu pour l’interprétation de Kamal.

 

Patrick Braganti

 

Drame tadjik – 1 h 40 – Sortie le 4 Octobre 2006

Avec Khurched Golibekov, Dinara Droukarova, Maruf Pulodzoda