cinéma

Qui de nous deux de Charles Belmont

[1.0]

 

 

Qui de nous deux devrait trouver un large public auprès des jeunes filles entre seize et vingt ans, en proie aux doutes et aux affres d’une crise d’adolescence et d’identité, par le biais d’une contemplation narcissique et mimétique. Pour les autres – dont votre serviteur – l’histoire de Bethsabée Pasolini, au surnom fort à-propos de Bébé, semblera bien fade, sans grand intérêt, n’offrant même pas de plaisir cinéphile.

 

La jeune Bébé est une adolescente de dix-sept ans, tenant une espèce de journal intime, bric-à-brac de réflexions hautement philosophiques sur le cours de sa vie, ses interrogations intimes, ses goûts et ses dégoûts. Ce que font au moins la moitié des jeunes filles, non ? Mais ici on se pique d’écriture ; rien qu’à l’introduction, on est fixés : « Pucelle, demoiselle, jeune fille, adolescente : tous ces mots d'hier et d'aujourd'hui désignent l'espèce de monstre que je suis, mi-gamine mi-femme. ». On veut bien croire aux tourments profonds de la demoiselle en question, encore faudrait-il que ceux-ci transparaissent à l’écran et offrent un minimum d’épaisseur à une succession d’images lisses et terriblement convenues.

Qui de nous deux sent l’arnaque : Charles Belmont, réalisateur plus que rare, n’est autre que le père de Salomé Blechmans, actrice principale jouant Bébé, mais aussi auteur du fameux journal intime ici porté à l’écran. L’écrivain en herbe n’hésite pas à évoquer dans ses références - mal digérées assurément – Salinger ou la grande Carson McCullers. Accordons quelque indulgence à la jeunesse, mais nourrissons par contre quelques sérieux doutes sur les motivations d’un père fasciné, bluffé par l’ambition littéraire de sa fille.

 

Car, si c’est cela la vie d’une adolescente de dix-sept ans, parisienne bon chic bon genre – maman artiste plasticienne et papa ostéopathe, cool et complices – il n’y a pas de quoi fouetter un chat, ni surtout de gâcher des rouleaux de pellicule. Que nous est-il donné à voir : Bébé dans son nouveau lycée au milieu d’une classe avachie devant un défilé de profs tous plus caricaturaux les uns que les autres, Bébé dans sa chambre bordélique, mais où ne manque aucun des gadgets électroniques indispensables, au premier rang desquels l’incontournable portable, écoutant le prodigieux M – quelle originalité, vraiment ! – ou pire s’empiffrant de tartes au citron, Bébé dans le bus alanguie contre la vitre, Bébé avec ses copines dissertant sur les mecs, Bébé amoureuse d’un ténébreux et mystérieux photographe des quais de Seine ? Et tout cela sans la moindre pointe d’humour car la jeune Bethsabée, dont l’accoutrement hideux finit de nous la rendre insupportable, est tout sauf légère, plutôt empreinte d’un sérieux et d’une gravité intérieure, nullement justifiés par ses conditions de vie.

 

Et quitte à jouer les vieux réacs jusqu’au bout, on se surprend à évoquer avec nostalgie La Boum. C’est dire notre état de stupeur et de colère à la sortie de Qui de nous deux.

Cette affaire de famille aurait mieux fait de rester en famille justement, et de nous dispenser d’un spectacle affligeant, creux et vain. A l’image exacte de son héroïne ; au moins ne peut-on accuser Qui de nous deux de travestir un état de faits proprement insignifiants. Pas sûr néanmoins que cela corresponde à la volonté du réalisateur, plutôt un dégât collatéral…

 

Patrick Braganti

 

Comédie dramatique française – 1 h 35 – Sortie le 10 Mai 2006

Avec Salomé Blechmans, Clément Sibony, Tewfik Jallab