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                               Il
                              n’y a rien de plus désagréable qu’un film
                              optant pour plusieurs genres sans vraiment en
                              choisir un, qui, malgré les bonnes intentions
                              affichées et une ambition de propos finit par
                              retomber comme un soufflé, provoquant ennui et déception.
                              C’est hélas à cette catégorie généralement
                              bien achalandée qu’appartient le premier long-métrage
                              de Fabienne Godet, inspirée par sa propre
                              expérience. De là à penser que l’auto-fiction
                              chère à la littérature française gagne le cinéma,
                              il y a un fossé qu’on ne nous fera pas
                              franchir. La déconvenue est d’autant plus
                              grande que nous aurions aimé aimer Sauf le
                              respect que je vous dois. 
                              Parce
                              qu’après tout ils sont bien rares les films
                              inscrits dans la réalité du travail et de la
                              violence morale qu’il entraîne de plus en plus
                              souvent. Parce que le cinéma français donne décidément
                              trop peu à voir du quotidien banal et pourtant
                              palpable de l’écrasante majorité de son
                              public. Redevenu bourgeois, bavard et édulcoré,
                              le septième art hexagonal se tient souvent éloigné
                              du réel social, à la différence de son
                              homologue britannique. 
                               
                              
                               
                              Nous
                              avions donc envie de suivre le parcours de François,
                              cadre quadragénaire bouffé par son boulot et son
                              patron avide de résultats et de rentabilité (pléonasme ?).
                              Sacrifiant sa vie de famille, il loupe
                              l’anniversaire de son fils Benjamin et accepte
                              l’annulation de sa semaine de vacances pour
                              mener à bien la négociation d’un contrat
                              juteux. Tenaillé par la peur, François ploie
                              l’échine et joue les pacificateurs auprès de
                              Simon, son jeune et impétueux collègue, son ami
                              aussi. 
                              Lorsque
                              Simon met fin à ses jours suite à un
                              licenciement aussi soudain qu’énigmatique, le
                              docile mouton François se transforme en loup
                              belliqueux, rebelle et revanchard. Le réveil
                              brutal de François est d’autant plus violent
                              qu’il est tardif. François est bien sûr anéanti
                              par le suicide de Simon et en même temps ulcéré
                              par l’indifférence qu’il suscite auprès du
                              reste de l’entreprise. 
                               
                              
                               
                              Un
                              beau sujet en somme sur la maturation d’un homme
                              exploité et servile découvrant l’humanité et
                              la compassion, encore faut-il le traiter avec
                              vraisemblance et cohérence, des qualités dont Sauf
                              le respect…est dénué. 
                              Censé
                              s’inscrire dans la réalité et le social, le
                              film fait sur ce plan à peu près n’importe
                              quoi. On a peine à croire que François puisse être
                              un cadre combatif qui décroche des marchés et reçoive
                              une promotion, tant l’homme paraît dépassé et
                              pusillanime. D’autre part, Fabienne Godet
                              ne filme pas ses acteurs au travail :
                              quelques réunions certes tardives, des déjeuners
                              à la cantine et basta. Où est la représentation
                              du travail ici ? La réalisatrice enchaîne
                              une succession de lieux communs et de
                              superficialités peu convaincants. Les travaux récents
                              de Jean-Marc Moutout (Violence des échanges
                              en milieu tempéré) ou de Francesca
                              Comencini (J’aime travailler) sont
                              nettement plus percutants. 
                               
                              
                               
                              Pire
                              encore, le film perd toute crédibilité en virant
                              au polar. La rébellion de François l’amène à
                              fuir et à être traqué par la police. Dans cette
                              partie-là, il rencontre une jeune femme dont la
                              personnalité est l’opposé de la sienne et reçoit
                              l’aide providentielle d’une journaliste émue
                              par son histoire, qui survient dans le film comme
                              un cheveu sur la soupe. Dès lors, Sauf le
                              respect…oublie totalement la dénonciation
                              de l’aliénation provoquée par le milieu
                              professionnel et se recentre sur le destin
                              chaotique de François, dont on devine assez vite
                              ce qu’il peut être. Les scènes raccourcissent,
                              créant un zapping permanent entre tous les
                              protagonistes et menant à l’affaiblissement,
                              pour ne pas dire l’atonie, du film. 
                              Néanmoins,
                              nous aurons quelque indulgence pour la forme du
                              film qui privilégie la déconstruction, en démarrant
                              par ce qui constitue le point de rupture de François,
                              soit le moment à partir duquel celui-ci n’est
                              plus en mesure de s’arranger avec la réalité. Sauf
                              le respect que je vous dois se présente dès
                              lors comme un puzzle, approchant ses personnages
                              par touches successives. Cela permet de maintenir
                              un minimum d’intérêt car celui attisé par
                              l’histoire qu’on nous raconte nous a abandonné
                              depuis longtemps. 
                               
                              
                               
                              Patrick
                              Braganti 
                               
                              
                               
                              Drame
                              français – 1 h 30 – Sortie le 15 Février
                              2006 
                              Avec
                              Olivier Gourmet, Dominique Blanc, Julie Depardieu 
                                
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