cinéma

Seven Swords de Tsui Hark

[4.0]

 

 

C’est ainsi que Tsui Hark prouva de façon imparable qu’il était bien le réalisateur d’action movie le plus doué du moment. L’écart est stupéfiant : en comparaison de ses confrères américains (mais parle-t-on vraiment du même monde ?), prédominants sur le secteur (prenons l’exemple des frères Scott), ce Seven Swords étincelle. La maestria d’Hark n’est plus une légende, mais une leçon naturelle. Ses films relèvent d’une fabrication teintée de génie, de sa facilité inouïe à triturer les matériaux comme de la pâte à modeler les figures (vitesse, couleurs, cadres). Dans son monde incroyable, les fictions surgissent de leur propre mise en forme, s’en évaporent. Une définition en somme du cinéma comme art, et non langage de communication ; une bande à part qui le met résolument à l’écart.

 

Car jamais Seven Swords n’échappe au traitement personnel de sa logique intime. Leçons de genre au singulier, les films de Hark ne sont que des prétextes au poudroiement d’artifices novateurs. Peu importe donc leurs motifs de fond, seul le résultat cinématique revêt à ses yeux une valeur véritable. Once upon a time in China, Time and Tide, Shangaï blues, Legend of Zu, bien plus qu’en des discours sociaux, politiques ou philosophiques, se rejoignent d’abord sur des lignes d’excellence formelle. La caméra n’est pas considérée comme une simple boîte d’enregistrement, regard fixe auquel le monde insufflerait le mouvement, mais l’initiatrice du mouvement lui-même, qu’elle fait passer à travers les corps comme des transfusions d’énergie si puissantes qu’elles peuvent, en une fraction de seconde, résumer ce qui ailleurs s’imposerait sur le temps. Tritureur de temps : voilà d’ailleurs une juste définition de Tsui Hark.

 

Cette nouvelle variation sur le thème des Sept Samouraïs tient le compte rendu fidèle de sa source d’origine : sept chevaliers (six hommes, une femme) à la rescousse d’un village menacé par une ancestrale émanation des futurs clans mafieux. Sept épées (voir le titre) capables de prouesses pour combats au long cours. Portraits entrecroisés en de multiples lignes narratives (trop sans doute : le film devait durer quatre heures), honneur, courage, trahison, initiation, combat final : tout y est. Remplissant son cahier des charges tout en réglant quelques comptes (Ang Lee et son surestimé Tigres et dragons pointés du doigt à travers, notamment, les figures féminines), Hark peut en toute liberté faire exploser son désir. L’ennui pointe bien de temps en temps mais ça n’a pas beaucoup d’importance, puisque chaque plan est un régal d’audace, imposant Seven Swords au rang, rare, des films qui se regardent les yeux grands ouverts.

 

Une audace de grand solitaire, à l’image des cinéastes qui de leur empreinte marquèrent l’histoire du cinéma. A travers son nouveau wu xia pian, Hark - tout en créant une œuvre à part (entière) - forme l’alliance inédite du western américain et de l’expressionnisme russe, du Cuirassé Potemkine et des Sept Mercenaires. « J’ai tenté de développer un style original, pour donner une signature à cette histoire » dit-il simplement. Signature prédominante mais si puissante qu’elle suffit amplement.

 

Christophe Malléjac

 

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