cinéma

The Magdalene Sisters  de Peter Mullan

    

     Quand un réalisateur met en scène un sujet grave, tiré du réel et qui raconte l’histoire de personnes victimes dans un contexte tragique et miséreux, il est bien rare que celui-ci ne récolte pas les suffrages des spectateurs et les critiques souvent acerbes, sinon justifiées, des professionnels.

The Magdalene sisters n’échappe aucunement à cette règle, puisqu’il obtient un franc succès actuellement, alors que les journalistes sont plutôt réservés, pour ne pas parler de ceux qui font aussi la fine bouche, de manière sans doute trop facile, voire caricaturale.

 

    Trois filles en Irlande en 1964 : Margaret violée par son cousin lors d’un mariage, Bernadette jolie fille qui suscite la convoitise des garçons et Rose fille-mère à qui on enlève son bébé, vont se retrouver, comme des centaines d’autres filles pendant des dizaines d’années, dans un des couvents des sœurs Marie-Madeleine, sous l’autorité de Sœur Briget et d’autres nonnes où elles doivent effectuer des travaux de blanchisserie pour les institutions du comté.

Il ne restait à ces filles perdues que le secours (providentiel ?) de la religion, devenir sœur à leur tour et ainsi anéantir toute possibilité de retour à la vie au-dehors du couvent.

Au-delà du travail harassant, ces filles devaient supporter brimades et humiliations desquelles l’esprit chrétien semblait fort éloigné.

Scandale connu, il aura fallu néanmoins attendre 1996 pour que ces établissements ferment leur porte.

 

    Avant tout acteur, nous connaissons Peter Mullan pour ses prestations poignantes dans les films de Ken Loach. C’est avec son rôle de chômeur ancien alcoolique dans My name is Joe qu’il décroche à Cannes en 1998 le prix d’interprétation masculine.

Nous avons pu le voir plus récemment dans le film de Michel Blanc Mauvaise passe.

La plupart des actrices sont des débutantes que nous n’avons encore jamais vues en France.

 

     La principale qualité de ce film est probablement le jeu de ses actrices : d’abord toutes les filles "perdues" à la fois révoltées, résignées, au bord de la folie et d’une froide lucidité. A cet égard, les religieuses ne sont pas en reste, avec une mention particulière à Sœur Bridget au regard fou et habité, qui avoue lors d’une veillée de Noël son penchant coupable pour le cinéma.

 

    Inspiré d’un documentaire anglais Sex in a cold climate, le film de Peter Mullan présente lui aussi bien des aspects très réels, palpables, donnant à voir une vision brute sans misérabilisme exacerbé, ni versements de larmes faciles, même si nous pouvons déplorer une scène finale un peu appuyée, qui n’apporte rien au film qui avait choisi jusqu’alors une vraie sobriété.

Bien sûr nous sentons aussi ici l’influence probable de Ken Loach et plus généralement du cinéma britannique social et humaniste, ce qui donne aussi au film ses propres limites.

 

    Récompensé par le Lion d’or au dernier festival de Venise, décrié par le Vatican et les autorités religieuses, il est clair que ce film personnel, impliqué et fort marque les esprits et peut difficilement laisser indifférents des spectateurs sensibles et humains, mais aussi exigeants en qualité de jeu et de filmage.

Et puis nous ne pouvons que louer un homme intègre qui met à jour un vraie barbarie faite à ces jeunes femmes, contre laquelle aucun gouvernement, aucune institution religieuse du Royaume Uni n’a encore manifesté le moindre repentir. Révoltant, tout simplement.

 

Patrick