cinéma

Transylvania de Tony Gatlif

[3.5]

 

 

Après un détour par l’Algérie (Exils), Tony Gatlif revient avec Transylvania à sa thématique de prédilection : la description des errances d’Occidentaux dans l’univers des Tziganes.

 

Italienne et amoureuse, Zingarina (Asia Argento), part en Transylvanie avec son amie Marie (Amira Casar) à la recherche d’un Tzigane musicien dont elle attend un enfant. A peine arrivée, elle découvre que son amant n’a pas été expulsé mais est revenu en Roumanie pour la fuir. Découvrant son abandon, elle se lance elle aussi dans la fuite, éperdue et folle, se détachant de tout pour devenir une véritable Tzigane. Libre.

 

Entre Tony Gatlif et le monde des gitans, cela a toujours été une histoire de fascination. Depuis 1981 et Corre Gitano mais surtout depuis Gadjo Dilo sorti en 1998. Transylvania n’échappe d’ailleurs pas à une impression de déjà-vu par rapport à Gadjo Dilo. On y retrouve à nouveau une histoire d’Occidentaux se laissant aller à l’errance et découvrant la liberté au contact du peuple tzigane. Ici, c’est une femme, Zingarina, sous les traits sulfureux et vénéneux d’Asia Argento, qui s’immerge dans la culture tzigane après avoir tout abandonné. Sa quête amoureuse, son amie, son pays, et sa propre vie, elle s’en détache peu à peu. Et au fur et à mesure qu’elle quitte chacune de ses attaches avec sa vie passée, et qu’elle revêt les vêtements et atours des femmes tziganes, elle devient peu à peu l’une d’entre elles, après être passée par la folie. Dans son voyage initiatique qui la métamorphose en gitane, Zingarina s’accompagne de Tchangalo, magouilleur trouble qui la prend sous son aile et lui apprend à être libre.

 

Qui d’autres qu’Asia Argento pouvait mieux incarner une gitane­? L’actrice italienne a tout de la bohémienne dans son métier elle qui ne se laisse enfermer dans aucune case. Elle alterne sans cesse des rôles dans d’obscurs films d’horreurs autant que dans le cinéma d’auteur français chez Breillat ou Assayas sans se priver d’apparitions à Hollywood dans le Marie-Antoinette de Sofia Coppola ou dans les films noirs d’Abel Ferrara. Dans Transylvania, elle aime et souffre avec passion, sans mesure, toujours au bord de la rupture. Elle irradie et sombre à la fois, tel l’astre noir que son image véhicule dans le monde du cinéma.

 

Du coup, le scénario passe vite inaperçu, éclipsé par la prestation d’Asia Argento. Tant mieux, tant il semblait cousu de fil blanc, comme souvent chez Gatlif qui préfère les flashs et les longues contemplations à des histoires construites. Ceci permet à son long métrage de s’attarder un peu plus sur la vie des tziganes transylvaniens. Une existence intense et brûlante faite de pauvreté et de joies, de roublardise et d’honneur. C’est dans ces instants, proches du documentaires que la réalisation de Tony Gatlif atteint ses sommets, en baignant la culture gitane dans une lumière presque irréelle qu’il s’agisse d’un soleil étincelant sur une ville fantôme dès la première scène ou l’éclairage pâle d’une lampe miteuse dans un bistrot aux murs décrépis.

 

Et comme chaque fois dans les films de Gatlif, la musique envoûte à chaque note, infiniment triste ou résolument joyeuse. Elle porte en tout cas à merveille le quotidien de ce peuple musicien qui place sa liberté avant toute chose.

 

Julien Damien

Drame français – 1h43 – Sortie le 4 octobre 2006

Avec Asia Argento, Amira Casar, Birol Ünel...