cinéma

Vento di terra de Vincenzo Marra 

[4.0]

 

 

    Bonne nouvelle : le cinéma italien vit encore et est capable de nous offrir autre chose que des bluettes insipides dégoulinantes de bons sentiments. Mauvaise nouvelle : le sud de l’Italie n’est toujours pas, et loin s’en faut, sorti de sa misère.

 

    Nous sommes à Secondigliano, une banlieue pauvre de Naples défigurée par des immeubles gris et lépreux à perte de vue. Dans l’un d’entre eux vit Vincenzo dix-huit ans avec Marina, sa jeune sœur et ses parents. La mère est couturière à domicile et fait livrer ses travaux par Vincenzo qu’elle considère comme un gamin. Le père est ouvrier et Marina rêve de quitter l’appartement pour aller travailler auprès d’un oncle qu’elle n’a vu deux fois et qui lui a promis un boulot. Pour Vincenzo, garçon mutique et docile, apprenti chez un forgeron, l’avenir semble déjà bien sombre. Il parcourt son quartier sur sa Vespa le visage maussade et fermé, résigné et sans perspectives, empêtré dans sa condition.

La mort subite de son père fait subitement entrer Vincenzo de plain pied dans le monde des adultes et des responsabilités. Suite à une « connerie » confessée à un collègue de son père, il s’engage dans l’armée, tout en devenant le soutien d’une famille désagrégée.

 

    Vento di terra est un sacré coup de poing comme on n’en avait pas connu depuis longtemps de l’autre côté des Alpes. Par sa dimension sociale et politique, son économie de moyens et son apparente facilité narrative, il trouve une filiation évidente et non usurpée avec le néoréalisme. Comme ses illustres prédécesseurs Pasolini, Rossellini ou De Sica, Vincenzo Marra utilise des dispositifs similaires : l’emploi de comédiens non professionnels dirigés de main de maître, le tournage en décors naturels et le désir de questionner par le biais de la fiction la situation sociale d’un pays. En cela, Vento di terra est un film éminemment politique.

Son extrême sobriété et la volonté manifeste de ne pas sombrer dans le mélo distinguée par la brièveté des plans – d’ailleurs de plus en plus larges - systématiquement stoppés à l’affleurement de l’émotion ne donnent en définitive à Vento di terra que plus de force et de puissance. Ici la parole est rare et nullement fanfaronne, les comportements réservés et dignes à l’inverse des attitudes attribuées d’habitude aux Italiens. L’absence de caractérisation propre élargit du même coup le champ du film et lui confère une universalité indéniable : Secondigliano représente toutes les banlieues du monde, sièges de l’indigence endémique et des horizons bouchés. Dès lors, ses présentations à travers le monde au cours desquelles il a été récompensé (Cannes, Venise) trouvent tout leur sens.

 

    Véritable film de cinéma comme le revendique Vincenzo Marra puisqu’il montre une histoire particulière, interprétée et mise en scène, Vento di terra trouve sans souci sa place cette année à côté de L’Enfant ou de La Blessure. Un gage de réussite incontestable.

 

Patrick Braganti

 

Film Italien – 1 h 22 – Sortie le 23 Novembre 2005

Avec Vincenzo Pacilli, Francesco Giuffrida

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