cinéma

Alex de José Alcala  

[3.0]

 

 

    Pour son premier film, José Alcala n’a pas vraiment choisi la facilité, ce qui est d’emblée un bon point. Il met en scène Alexandra, dite Alex, une femme cabossée par l’existence qui essaie tant bien que mal de se maintenir la tête hors de l’eau. Au fin fond de l’Ardèche, elle survit en vendant des fruits et légumes sur des marchés dès l’aube et dans la difficile cohabitation avec des riverains récalcitrants, retape au noir des appartements avec Karim et s’attelle à la restauration d’une vieille maison dont elle espère obtenir un jour la propriété. Une bâtisse de pierres tout en haut de la montagne où tout est à reconstruire à l’image de Alex, qui a aussi pour ambition de récupérer la garde de son fils, un ado de quatorze ans. Alex est une femme blessée, écorchée vive, qui couche sans états d’âme avec le Dom Juan du supermarché local et refuse en même temps l’attention affectueuse que lui prodigue Karim. Avec son fils qu’elle récupère le week-end et emmène loin de son lieu de vie sordide et bordélique, la relation est aussi conflictuelle et périlleuse. Alex se comporte comme un mec dans sa rugosité et sa frontalité de rapports avec les autres, refusant toute marque de tendresse qui anéantirait sa fragile carapace, et au final c’est en renouant avec les attributs de sa féminité qu’elle pourra envisager des lendemains plus heureux.

 

    Loin de tout pathos et de tout misérabilisme, le réalisateur fait de Alex une femme butée, au sourire rare, à la mine renfrognée, prête à en découdre avec n’importe qui pour peu qu’elle ait quelques verres à son actif. C’est donc le parcours tout en cahots et coups de gueule que donne à voir José Alcala. On a rarement vu le sud de la France aussi gris, aussi glauque à l’opposé des clichés touristiques habituels. Des ciels bas et plombés qui s’éclairciront lorsque le propre avenir de Alex sera lui-même plus ouvert.

Alex est également un premier film remarquable parce qu’il est la marque d’une symbiose entre une interprète et son rôle. Ici Marie Reynal omniprésente fait passer son personnage de l’antipathie et le repli à l’ouverture aux autres et à la réconciliation avec elle-même.

 

    Déjà auteur de deux courts métrages La visite (2000) et Les Gagne-Petits (1998) qui préfiguraient le propos de Alex, José Alcala réussit son passage au long format. Comme ses confrères Dardenne dont la jeune Rosetta serait une parente de Alex dans la famille des survivants, le cinéaste propose une œuvre sobre et resserrée où l’action physique prend le pas sur le psychologique et le jugement. Alex semble en perpétuelle activité,  pelletant du sable dans une carrière, transbahutant des palettes, réparant le toit de sa maison, faisant les marchés locaux, donnant l’impression de ne jamais dormir ni s’arrêter. Absence de maquillage pour les acteurs filmés à l’état brut, pas d’habillage musical à part les bruits de la rue et du vent au sommet des montagnes, Alex flirte avec le documentaire et le politique.

 

    Sensible et à fleur de peau, âpre et rugueux, Alex s’inscrit dans la lignée du cinéma réaliste qui n’en finit plus d’inspirer les nouveaux cinéastes, témoins plus ou moins volontaristes, plus ou moins probants, d’une époque en déliquescence avancée. José Alcala faisant plutôt partie de la catégorie des talentueux, Alex est à découvrir.

 

Patrick Braganti

 

Film Français – 1 h 40 – Sortie le 26 Octobre 2005

Avec Marie Raynal, Lyes Salem, Gérard Meylan

 

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