cinéma

Angel de François Ozon

[4.5]

 

 

Ozon est un cinéaste moderne, ses films des constructions mentales tournant en autarcie dans leur propre univers, clos, estampillé cinéma grand (et moins grand) public. A cet égard, le sujet Angel fait un savant dosage : Douglas Sirk (déjà entraperçu dans 8 Femmes) mais Orson Welles (Rosebud, épicerie, Paradise, maison, escaliers), Minnelli (kitsch attitude) but Gone With the Wind. Difficile au final de mesurer le degré de création singulière tant elle se noie dans cette nasse de références, plans copiés ou travestis, melting-pot à la crème fouettée qui envahit l’écran. Ozon n’a pas de style propre, sinon le mimétisme bout-à-bout de sa culture cinéphile. C’est d’ailleurs en cela, par son désir de faire du cinéma un travail en boucle sur lui-même, que s’exprime sa modernité.

 

Mieux : Angel est une œuvre résolument contemporaine, en phase avec tout un pan de la création artistique de son temps, qui, du geste formel répétitif fait un sujet en soi. Mais, si Ozon fait mine d’enterrer sous les couches superposées d’un make-up sirupeux (le côté nouveau riche d’Angelica éclabousse l’écran d’une vanité arriviste à écœurer sa cousine d’Amérique (disons : Scarlett O’Hara)) le questionnement (plus ou moins) métaphysique blotti au fond de ses référents, ce n’est qu’une illusion. Car ce cinéma mâché, digéré, et assumé comme tel, s’enroule autour d’un cœur nucléaire, protégé mais qui s’ouvre sur une hypothèse de travail où le rêve se concrétiserait comme la négation d’une plombante réalité. Ce qui compte, chez Angelica, ce n’est pas tant la trajectoire (éclat puis chute) mais, en parfaite coïncidence avec la démarche osée d’Ozon, sa facilité sidérante à accéder au rêve : écriture, publication, fortune, amour - du jour au lendemain et parce que c’est comme ça.

 

Double niveau de lecture donc : l’histoire brute d’Angelica, façon mélodrame hollywoodien au coin du feu, et sa mise à distance soulignée par une accumulation d’effets porteurs de sens, d’une symbolique presque militante (arc-en-ciel, tentures rouges, pluie de neige). L’ironie distanciée à cheval sur un cynisme méprisant est la marque de l’époque : faisons crédit à Ozon de ne pas s’y laisser prendre et de dire qu’on peut, oui, s’étourdir de tout, d’un plan ridicule comme de sentiments pastel, d’une enfilade de clichés comme des amours mortes, d’une symphonie sucrée comme d’un Londres en toc. Du cinéma huis clos pour cinéphiles et pleureuses : joyeux mélange des genres que vomit une certaine critique ; incontestable satisfaction pour le cœur et l’esprit.    

 

Christophe Malléjac 

 

Film français, belge, britannique (2006) – 2 H 14 – Sortie le 14 mars 2007

Avec Romola Garai, Lucy Russell, Sam Neill...