cinéma

A perfect day de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige

[1.0]

 

 

A perfect day fait partie des films que l’on voudrait aimer et dont on quitte la projection déçus et accablés par un tel ratage, celui qui consiste à ne pas traiter un sujet et à enfiler jusqu’à plus soif des scènes identiques répondant aux mêmes dispositifs de filmage, qui au final ne proposent rien de nouveau sur la captation d’une ville en mouvement. Phénomène pour le moins paradoxal quand on sait que le film est le fruit de la collaboration entre deux artistes, cinéastes et plasticiens, travaillés par les modalités de la représentation urbaine.

La ville dont il est ici question, c’est Beyrouth, capitale métissée et marquée par les stigmates de la guerre civile qui la ravagea de 1975 à 1990. Durant l’interminable conflit, 17 000 personnes ont disparu, enlevées ou assassinées, sans que leurs corps aient jamais été retrouvés, plaçant les familles dans la douloureuse position du deuil impossible et de la décision à déclarer le disparu mort. La disparition ne s’exténuant pas, il reste pour les survivants un gouffre qui ouvre le champ des possibles.

 

C’est cette journée particulière, ce passage entre l’état d’attente éternelle et l’acceptation plus ou moins consentie de la situation que met en images A perfect day autour de deux personnages : Claudia la mère et Malek le fils. Deux êtres minés par l’absence prolongée d’un père, dont quelques photos et coupures de presse révèlent l’aura et le statut. Alors que Claudia guette le moindre bruit et vit de manière prostrée dans l'espoir d’un hypothétique retour, Malek, chef de chantier, souffrant d’apnée du sommeil, s’endort à la moindre occasion comme échappatoire à la monotonie de sa vie régie par sa mère inquisitrice et angoissée, bringuebalée par une petite amie frivole et inconstante.

Passée la mise en place des personnages et de leur environnement, A perfect day s’essouffle jusqu’au piétinement total, ne donnant plus rien à voir, encombré de son histoire dont il ne parvient plus à tirer le moindre développement. Aucun traitement en profondeur ne nous est offert et les réalisateurs s’engagent sur des pistes inabouties et délaissées : l’arme découverte dans les affaires du père de Malek que celui-ci dissimule sous ses vêtements comme un objet fétiche, un corps retrouvé dans les fondations d’un immeuble en construction auprès duquel le jeune homme se précipite.

Certes, nous sommes dans l’entre-deux, période languide et suspendue, très difficile à rendre sur un écran. La répétition des cadrages et la stagnation des protagonistes n’évitent aucun cliché ni aucune métaphore facile – Malek appliquant sur ses yeux les lentilles de sa petite amie pour épouser sa vision est un parti-pris à la symbolique par trop évidente.

 

Dommage car on sent bien que Joana Hadjithomas et Khalil Joreige sont imprégnés de cette ville où ils essaient de vivre au présent dans l’effervescence provoquée par la renaissance de la scène artistique, intellectuelle, musicale et cinématographique. Le parallèle entre la rue animée et bruyante – embouteillages monstres et klaxons assourdissants – et l’appartement feutré et sans bruits de Claudia est à peu près la seule bonne idée du film.

Cependant lorsqu’ils affirment que « la forme, la recherche esthétique est à Beyrouth éminemment contemporaine, totalement politique », on est marris de constater que ce postulat ne s’applique pas au film.

Plus faiseurs d’images que cinéastes possédant un regard, le duo livre un travail au sujet pourtant passionnant, passablement introduit, tout à fait inconsistant dans son développement, franchement pénible dans sa conclusion après une dernière demi-heure poussive et vide.

 

Patrick Braganti

 

Drame franco-libanais – 1 h 28 – Sortie le 1er Mars 2006

 

Avec Ziad Saad, Julia Kassar, Alexandra Kahwagi

 

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