cinéma

Avril de Gérald Ustache-Mathieu

[2.0]

 

 

Parce qu’elle fut trouvée aux portes du couvent pendant le mois d’avril, les religieuses qui la recueillirent puis l’élevèrent en vase clos et cloîtrée ne trouvèrent rien de mieux que de lui attribuer cet étrange prénom. La jeune novice âgée de vingt ans n’a jamais quitté les hauts murs de l’institution sévère et repliée sur elle-même, dirigée par une Mère Supérieure autoritaire et intransigeante. Sa vie est entièrement dévouée à la prière et à l’entretien du couvent. C’est tout juste si elle s’accorde un peu de répit pour peindre avec talent des fleurs – talent dont elle attribue l’origine à Dieu. Alors qu’elle doit accomplir sa retraite de deux semaines, enfermée dans une chapelle à prier et à repeindre de bas en haut, avant de prononcer ses vœux perpétuels, une de ses condisciples, Sœur Bernadette, lui apprend l’existence d’un frère jumeau, trouvé en même temps qu’elle, confié à un orphelinat, et la convainc de partir à sa recherche.

Pour Avril, cette escapade prend très vite la forme d’une découverte du dehors et des hommes qui le peuplent : rencontre avec Pierre qui lui répare son vélo et la conduit jusqu’en Camargue, dans une baraque de bord de plage où vivent David (le frère) et Jim, son fiancé. Ses convictions religieuses reliées à son mode de vie d’ermite vont être sérieusement ébranlées, faisant vaciller ses certitudes quant à son avenir.

 

L’ouverture au monde, donc à soi-même, c’est un vieux et beau sujet, sur lequel on espère toujours un regard nouveau et original, qui se démarquerait et sortirait des sentiers battus. Notre attente ne sera pas satisfaite ce coup-ci car Avril bascule rapidement dans le convenu et le compassé, n’offrant aucune aspérité, mettant en scène des personnages lisses, à la limite du caricatural. Le film rate ainsi les plus beaux moments annoncés : la révélation du secret et les retrouvailles qui s’ensuivent, et en fait bien trop dans l’accumulation de rebondissements et de coups de théâtre, comme si le cinéaste ne croyait pas lui-même à la possible force de ses personnages. Entre le départ du couvent et le retour pour un dernier tiers balourd et tordu, l’épisode camarguais malgré sa naïveté et sa gentillesse affichées offre quelques beaux moments de grâce poétique. Ainsi on apprécie que Avril ne juge en rien la vie de son frère : elle ne pardonne pas le mensonge – celui des Sœurs qui lui en ont caché l’existence – mais croit à l’amour, fût-il entre deux hommes. Sur cette plage ensoleillée, on sourit à voir cette prude Avril découvrir les plaisirs insoupçonnés des nourritures terrestres : bon repas, musique plus sympa que les cantiques, alcool plus entêtant que le vin de messe. C’est frais et agréable, mais franchement ça ne va guère plus loin.

 

Avril tient trop à sa mécanique dont on finit par percevoir tous les rouages et au contraire ne tient pas du tout ses ambitions initiales. Même si Sophie Quinton manifeste assez de ferveur pour crédibiliser son rôle, en dépit de l’interprétation sans fautes de Miou-Miou, Avril déçoit par son manque de subtilité et de profondeur, par son incapacité à proposer une approche novatrice de son sujet.

 

Patrick Braganti

 

Comédie dramatique française – 1 h 36 – Sortie le 14 Juin 2006

Avec Sophie Quinton, Miou-Miou, Nicolas Duvauchelle, Clément Sibony