cinéma

Une belle journée de Gaby Dellal

[3.5]

 

 

Dans la lignée des films britanniques inscrits dans la réalité quotidienne faite de chômage et de crise, une lignée sous l’égide de Mike Leigh et Ken Loach, voici le premier film d’une ancienne comédienne de théâtre, Gaby Dellal. Une belle journée met en scène Frank et sa famille. Avant de parvenir à la belle journée en question, il y en a bien d’autres plus moroses et tristes, comme celle où nous faisons connaissance avec Frank, ouvrier aux chantiers navals de Glasgow, assistant de loin au lancement d’un gigantesque bâtiment de guerre. De loin en effet, car Frank sait aussi qu’il vit son dernier jour comme salarié. Subitement sans emploi, le travailleur qui ne rechignait pas à la tâche se trouve déboussolé et sans repères, tandis que sa femme Joan passe en catimini son permis de chauffeur de bus. Excellent nageur, fréquentant assidûment la piscine locale, suite à une plaisanterie d’un de ses amis, Frank décide de traverser la Manche à la nage. Idée folle et saugrenue pour un homme de 55 ans qui reprend un entraînement intense, mais derrière cette toquade presque puérile, Frank poursuit un double objectif : d’abord se prouver qu’il est encore bon à accomplir quelque chose, ensuite et sans qu’il le sache consciemment clarifier une situation qui le hante depuis longtemps et pollue sa relation avec son entourage.

 

Ainsi, Une belle journée offre deux niveaux de lecture. Le premier, le plus évident, est celui du défi et de la persévérance, avec en filigrane des questions fondamentales du style : Comment ne pas baisser les bras, continuer à y croire. Sur ce plan-là, le film n’évite pas les grands sentiments et les clichés dans un traitement lourdement volontariste, proposant du déjà vu maintes fois. Par contre, l’aspect expiatoire de la formidable bravade de Frank est plus intéressant, notamment dans les rapports conflictuels avec son fils Rob, partageant avec son père une peine commune qui les éloigne et les rend malheureux.

Comme ses illustres devanciers, Gaby Dellal filme ses personnages avec tendresse et émotion, n’oubliant pas d’y insuffler une bonne dose d’humour. Les séances d’exercices de Frank sur les conseils avisés d’anciens collègues et d’un restaurateur chinois particulièrement zélé constituent les meilleurs moments du film parce qu’ils ne sont pas porteurs de leçons ni englués dans la symbolique facile.

 

Tout cela fonctionne plutôt bien et il n’y a pas de raison à bouder son plaisir même simple et naturel. L’efficacité est due en grande partie à la qualité de l’interprétation en tête de laquelle on retrouve Peter Mullan (My name is Joe de Ken Loach) et Brenda Blethyn (Secrets et mensonges de Mike Leigh) qui apportent tout leur talent à cette jolie fable. Ce qu’est avant tout Une belle journée à qui il ne faut surtout pas prêter d’autres intentions que de nous émouvoir. Et puisque les fins d’année sont toujours propices aux contes, pourquoi s’en priver ?

 

Patrick Braganti

 

Film Britannique – 1 h 45 – Sortie le 7 Décembre 2005

Avec Peter Mullan, Brenda Blethyn, Billy Boyd

 

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