cinéma

Congorama de Philippe Falardeau

[4.0]

 

 

Malgré son titre, il ne sera pas beaucoup question du Congo dans le dernier film du québécois et documentariste Philippe Falardeau. Du moins, pas directement car cette histoire à rebondissements, avant de se déployer au Québec, démarre en Belgique et il est nécessaire de rappeler que ce pays africain fut la propriété personnelle du roi Léopold II, puis une colonie du pays pendant cinquante ans. Depuis le Congo belge, rebaptisé Zaïre, a accédé à l’indépendance avec des périodes plus ou moins stables sous le pouvoir de Mobutu et de Kabila. Au début du vingtième siècle, à l’exposition universelle de Bruxelles, le colonisateur dans un pavillon nommé Congorama invitait ses compatriotes à découvrir les usages d’un peuple exotique, dévolu au rang infamant de sauvage, de sous-homme. Une pratique hélas généralisée dans le reste de l’Europe.

 

Long préambule historique pour remettre en perspective les liens ténus et parfois troubles qui reliaient la Belgique à l’ancien Congo. Personnage central de Congorama, Michel, ingénieur de 42 ans, piètre inventeur (ah, la tondeuse solaire autonome !), revisite à sa manière l’histoire : sa femme Alice est congolaise, son fils Jules présente des traits africains très prononcés et son père Hervé, écrivain paralysé et privé de l’usage de la parole, a passé une partie de sa vie au Congo. Pour Michel – Olivier Gourmet impeccable, ça devient lassant – le chaos se produit au moment où Hervé lui apprend qu’il est un enfant adopté, né clandestinement dans une grange au Québec à Sainte-Cécile. Sous le fallacieux prétexte d’y vendre une de ses farfelues inventions, Michel part pour la Belle Province à la recherche de ses parents biologiques. Dans une région campagnarde, éloignée des clichés habituels, Michel entreprend sa quête identitaire qui, l’on s’en doute, lui réserve nombre de surprises. Congorama est un film puzzle où le parcours de Michel croise celui de Louis, un jeune homme lunaire qui vient juste d’exhumer la vieille voiture de son père disparu, un drôle de prototype hybride qui suscite l’intérêt du gouvernement canadien.

 

On n’en dira surtout pas davantage : il faut laisser au spectateur le plaisir de la surprise et de la découverte du dispositif subtil utilisé par Philippe Falardeau pour réunir toutes les pièces de son puzzle. Congorama est souvent farfelu et rocambolesque, mais il gagne au fur et à mesure en tendresse et émotion. Et c’est plutôt une bonne idée de mettre en présence québécois et belges, deux peuples francophones qui entretiennent un rapport particulier avec la France, laquelle, forte de sa supériorité numérique et culturelle, considère avec condescendance ces « cousins » aux expressions et aux accents si savoureux. On comprend du même coup le parallèle établi avec le passé et le Congo notamment.

La révélation de son père et l’avalanche d’événements et d’erreurs qui s’ensuit font ainsi vaciller les certitudes de l’ingénieur cartésien, mises à mal dans la recherche de ses origines. Michel en perte de repères, accusant en être blessé son entourage de mensonges et de trahisons, c’est l’éternelle histoire d’un homme soudain privé de ses racines, paumé et déboussolé.

Parce que son scénario est ficelé aux petits oignons, parce qu’il est empli d’humanité et de spontanéité, parce qu’il bénéficie d’une mise en scène sans cesse inventive, Congorama séduit terriblement. Une belle surprise en ce début d’année.

 

Patrick Braganti

 

Comédie dramatique belge, canadienne – 1 h 45 – Sortie le 17 Janvier 2007

Avec Olivier Gourmet, Paul Ahmarani, Jean-Pierre Cassel

 

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www.congorama.fr