cinéma

Dogville de Lars Von Trier     

 

    Film expérimental du réalisateur danois Lars Von Trier, pressenti un peu trop hâtivement à Cannes pour la Palme d’Or 2003, où l’interprétation – exceptionnelle – de tous les acteurs, Nicole Kidman en tête, vient suppléer au choix artificiel du dispositif (absence de décors).

    Passées les premières minutes où, effectivement, l’œil a besoin de s’habituer à cette sobriété visuelle, le spectateur s’étonne lui-même d’être capté par ces personnages, attachants et familiers dans un premier temps, déroutants et beaucoup plus ambiguës au fur et à mesure du déroulement de l’histoire. Celle-ci est apparemment simple : une jeune femme, Grace (Nicole Kidman), poursuivie par des gangsters, débarque dans un petit village des Rocheuses pendant les années 30. Les habitants, après concertation, acceptent de l’aider et de la cacher, moyennant certaines conditions… jusqu’au déroulement final qui ne manquera pas de surprendre ceux qui perçoivent encore Lars Von Trier comme un grand humaniste…

    Le choix du traitement, déconcertant dans un premier temps, sert ensuite impeccablement la narration. Certaines scènes, parmi les plus cruelles, semblent ainsi se dérouler dans un espace ouvert qui laisse apparaître Dogville comme un lieu tentaculaire où la perversion et le sadisme règnent en maître.

    Avec son précédent opus, Dancer in the dark, Lars Von Trier s’était vu reprocher de critiquer les Etats-Unis sans y avoir mis les pieds (par phobie des transports aériens ?). Il persiste et signe ici, avec cette fable noire et assez cynique, où aucun personnage n’est épargné ! On est loin de la transcendance émotionnelle et spirituelle de Breaking the waves, même si les références à Dieu sont aussi présentes. Et Dogville s’apprécie avant tout cérébralement, pendant et après le film. D’autant que l’humour décapant dû à l’énormité de certaines scènes sado-maso (habituelles chez LVT), ainsi que la voix-off, très ironique, du narrateur, introduisent une distanciation qui ne fait qu’apparaître plus crûment encore le constat noir, très noir, du cinéaste.

    Certes, il faut garder en tête que ce film fait partie d’une trilogie qui fera sûrement évoluer certains personnages, dont celui de Nicole Kidman (décidément, l’une des actrices les plus talentueuses du moment !). Et en grand manipulateur qui aime surprendre son monde, il est plus que probable que Lars Von Trier nous réserve, avec les films suivants, des rebondissements pleins de surprises. On reste de toute façon toujours aussi bluffé par ses idées cinématographiques et sa capacité à diriger les acteurs. On peut néanmoins regretter sa vision de moins en moins philanthrope et optimiste sur la nature humaine…

Cathie