cinéma

Douches froides de Antony Cordier  

[4.0]

 

 

    Parce que ses parents doivent surveiller leur consommation électrique et arrêtent fréquemment le compteur, Mickael se voit dans la désagréable obligation de prendre des douches froides. D’abord très concrètes, celles-ci vont prendre une forme plus métaphorique car en quelques mois cruciaux, la vie de Mickael va connaître quelques bouleversements. A dix-sept ans, il partage sa vie entre le lycée où il prépare son bac, son entraînement et ses compétitions au sein d’une équipe de judo dont il est le capitaine et sa petite amie Vanessa, pas sportive pour un rond, mais déterminée et pas farouche. Lorsqu’un industriel local devient le sponsor de l’équipe, Mickael doit prendre sous son aile le fils de celui-ci, Clément garçon naturellement à l’aise. La démarche inconsciente de Mickael rodé aux privations et au sacrifice l’emmène à partager avec Clément sa copine dans une relation triangulaire de laquelle il va peu à peu s’exclure.

 

    Antony Cordier signe un premier long métrage curieux et attachant, même s’il n’est pas dénué de certaines imperfections (la fête qui réunit tous les protagonistes tombe comme un cheveu sur la soupe), mais c’est l’ambiance générale, au demeurant plutôt noire et sans illusions, qui imprègne durablement le spectateur. Le cinéaste avoue être subjugué par « les gens qui trouvent leur bonheur en se privant de choses essentielles. » Ce qui semble être le cas de la famille de Mickael dont les coups du sort répétés (coupures de courant, retrait du permis de conduire du père suite à la fête très alcoolisée mentionnée plus haut) n’altèrent que provisoirement la bonne humeur et la solidarité. Interloqué par le monde de Clément, pourtant peu ragoûtant avec une mère impudique et portée sur la bouteille et un père que l’on sent facilement machiavélique, Mickael choisit de faire acte d’allégeance en offrant Vanessa. Pour elle, l’expérience du trio participe d’abord d’une curiosité et d’une recherche inhérentes à son âge, voire de l’envie de faire plaisir à Mickael, mais absolument pas de la tromperie ou de la trahison. Ce qu’il ne comprendra pas.

Bien qu’il mette en scène trois ados et brasse des milieux sociaux disparates, Douches froides n’est ni un film sur les affres de l’adolescence – ici les jeunes ne possèdent pas tous les tics qu’on leur attribue d’habitude – ni un film social. Cordier se penche juste sur le destin en marche d’un garçon, produit de son environnement social et humain. C’est pourquoi la comparaison avec Jules et Jim ne tient pas la route : le trio n’est pas au centre du film, il est simplement illustratif du sacrifice consenti par Mickael.

En ce qui concerne le sport, le judo n’a pas été choisi tout à fait par hasard : art martial, il fut inventé par un asiatique de petite taille qui voulait mettre au point une méthode permettant aux petits de combattre avec les grands. On ne pouvait rêver meilleure métaphore. De plus, Cordier filme de manière similaire et chorégraphiée les combats sur tatami et les échanges sexuels. D’ailleurs la première expérience à trois se déroule à l’intérieur du dojo où Mickael et Clément s’entraînent.

S’il nous montre les dérives suscitées par la pratique d’un sport (amaigrissement rapide de Mickael pour accéder à une autre catégorie), Douches froides n’est pas non plus un réquisitoire ou une dénonciation.

 

    Dans sa manière de filmer les corps, qu’ils s’affrontent ou s’étreignent, Antony Cordier érotise ses sujets qu’il nimbe d’une lumière douce rehaussée de multiples couleurs. Des sujets incandescents et habités grâce à un jeu d’acteurs en grâce, avec en tête la découverte Johan Libéreau (sorti tout droit de ses boulots de chaudronnier et de pâtissier) et la libre Salomé Stévenin.

Bandant à souhait, Douches froides offre une vision originale et maîtrisée de la lutte des classes, thème que Cordier ,réalisateur prometteur, a à cœur de mettre en scène.

 

Patrick Braganti

 

Film Français – 1 h 42 – Sortie le 22 Juin 2005

Avec Johan Libéreau, Salomé Stévenin, Pierre Perrie

 

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