cinéma

Elephant de Gus Van sant      

 

 

    Film hypnotique et poétique, au traitement minimaliste percutant (longs plans séquences, jeux de lumière et de couleur pertinents, travail sonore…), qui a bien mérité son double prix à Cannes (Prix de la mise en scène et Palme d’Or) ! Inspiré par le drame de Colombine, Gus Van Sant en a conçu une fiction elliptique plastique et élégante, et surtout sans explicatives (hormis quelques pistes interrogatives). Et ce drame du « réel » apparaît d’autant plus envoûtant et déroutant pour nous les spectateurs.

 

    Dès les premières images, où les nuages viennent percer un ciel bleu électrique, nous sentons que le destin est en marche, et les moindres détails du quotidien de ces lycéens apparaissent porteurs d’une vérité ultime, et d’autant plus poignante. Tout le long de cette journée « si belle et si affreuse », l’esprit flotte et les interrogations se multiplient, se méfiant des évidences et des apparences, refusant d’admettre l’impensable. Evidemment, quand les meurtriers ont des telles gueules d’ange, et des vies somme toute apparemment banales, comment admettre l’horreur d’un tel geste ?!

 

    Et justement, bien loin des explications sociologiques et/ou psychologiques que certains seraient tentés de trouver, Gus Van Sant sait capter et suggérer mieux que quiconque le mystère, l’insondable de l’adolescence et du « passage à l’acte », derrière la banalité des gestes et des corps en mouvement. Même si certaines pistes – et certaines brèches – sont évoquées… ou plutôt posées là, dans ce film, comme des éléments trop évidents pour pouvoir nous satisfaire…

 

    Le regard singulier de ce cinéaste, posé là, sans jugements, nous ouvre pourtant des abîmes vertigineux, et nous renvoie face à nous-mêmes, à notre responsabilité de citoyens face à une société en perte de repères, et qui semble en pleine perdition… Film détaché et paradoxalement fascinant qui nous laisse fort perplexes. Et constat là encore implacable d’un cinéaste lucide qui se méfie des explicatives trop simplistes…

 

Cathie