cinéma

La Faute à Fidel de Julie Gavras

[3.0]

 

 

La Faute à Fidel appartient à la catégorie bien pourvue des films honnis et méprisés par une majorité de la critique et appréciés des spectateurs. Ici, on se targue d’appartenir aux deux espèces, et sans doute plus à la seconde, restons modeste. C’est pourquoi la note est-elle moyenne pour un premier film charmant, sans grande surprise quant à sa mise en scène, truffé de bons sentiments, mais non dénué d’un regard acéré sur une période révolutionnaire désormais révolue.

 

Révolutionnaires, Marie et Fernando sont en train de le devenir. Fernando hébergeant sa sœur, récente veuve d’un mari tué par les franquistes, prend conscience de la situation de son pays natal et se passionne pour les événements chiliens (l’élection de Allende et le coup d’état qui suivra). Marie journaliste à Marie-Claire et militante féministe recueille pour en faire un livre les témoignages de femmes avortant dans la clandestinité. Le jeune couple voulant mettre en adéquation ses idéaux humanistes et son mode de vie déménage pour un plus petit appartement qui devient un lieu de réunions nocturnes et enfumées. Pour Anna, neuf ans, ce bouleversement est une catastrophe qu’elle n’a pas l’intention d’accepter sans réagir. Mener une vie spartiate dans un logement étriqué où elle ne peut plus recevoir ses copines, devoir abandonner les cours de catéchisme selon la volonté de ses parents, manger des trucs bizarres et supporter le défilé de nounous grecque et vietnamienne, non merci vraiment pas pour Anna qui préfère aller passer des vacances chez ses grands-parents, bourgeois bordelais, outrés par l’orientation prise par leur fille Marie.

 

La faute à Fidel possède, il faut l’admettre, une esthétique de téléfilm et n’a pour le coup rien de…révolutionnaire dans son dispositif. Néanmoins, sous son apparence de comédie dramatique légère, le film révèle plus de nuances et de subtilité que prévu. C’est d’abord audacieux de passer à travers le prisme d’une enfant de neuf ans une époque agitée et compliquée se soldant par l’engagement de ses parents, soudain moins disponibles et animés de sentiments altruistes qui lui passent largement au-dessus de la tête. Et il est tout aussi culotté de faire d’Anna une petite fille plutôt horripilante, facilement boudeuse, franchement réac dans sa revendication clamée haut et fort de son confort. Une Anna que l’on pourrait percevoir comme égoïste et gâtée, mais qui est seulement chamboulée dans ses repères et ses habitudes. Julie Gavras dépasse le cliché en réfléchissant à travers les questions coriaces et pleines de bon sens d’Anna sur l’engagement politique des années 70. Les déclarations d’intention lyriques et les grands discours n’étaient guère suivis d’actes, si ce n’est quelques participations sympathiques aux manifestations parisiennes.

 

La cinéaste montre ainsi comment l’esprit critique et le discernement ne vont pas de soi. Avec maladresse et en ne respectant pas toujours son statut d’enfant, Fernando et Marie tentent d’inculquer cette capacité de jugement et de réflexion à leur petite fille, qui devrait lui permettre de faire les bons choix. C’est dans cette tentative – forcément aboutie – d’ouvrir Anna au monde et à l’Autre que La Faute à Fidel est le plus convaincant et le plus touchant.

Ponctué de très jolies scènes – une orange pour expliquer le partage des richesses – et servi par la formidable interprétation de la jeune Nina Kervel-Bey, le premier film de Julie Gavras, dont on note au passage l’influence exercée par son père Costa-Gavras, se laisse agréablement regarder grâce à sa tendresse piquante et sa sensibilité pas mièvre.

 

Patrick Braganti

 

Drame français – 1 h 39 – Sortie le 29 Novembre 2006

Avec Nina Kervel-Bey, Julie Depardieu, Stefano Accorsi

 

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www.lafauteafidel-lefilm.com