cinéma

Garçon stupide de Lionel Baier 

 

 

    D’emblée, le titre annonce la couleur sous forme de provocation : le héros Loïc est-il un garçon vraiment et irrémédiablement stupide ? On n’est pas loin de le penser, du moins dans la première partie de ce premier film singulier et attachant.

 

    Loïc a vingt ans, partage son temps entre un boulot d’employé à la vérification dans une chocolaterie (n’oublions pas l’origine helvète du film) et des rencontres sexuelles avec des hommes dragués via Internet. Il a aussi Marie, une amie complice avec qui il cohabite et entretient des relations conflictuelles et équivoques. Certes, elle est au courant de ses errements nocturnes qu’il lui conte d’ailleurs avec force détails dans le but pitoyable et raté de la choquer. Mais peut-être y a t-il entre ces deux-là plus qu’une amitié profonde ?

Qu’importe, puisque ce n’est pas vraiment le sujet de Garçon stupide, qui se concentre, s’acharne presque, sur Loïc dans un portrait sans concessions d’une jolie tête à claques, une têtue tête chercheuse, et une tête pas mal vide aussi à qui sont totalement étrangers des mots comme hitlérisme ou impressionnisme.

 

    Le film tourné en caméra numérique et projeté au format vidéo est avant tout une étude de cas entomologique d’un garçon rencontré par Lionel Baier, suite à un projet avorté et ressuscité par la personnalité de Pierre Chatagny, véritable alter ego de Loïc. Très vite, la frontière entre fiction et réel s’estompe, impression renforcée par le côté direct et brutal du propos. Ainsi pas de dissimulation concernant les scènes de sexe, non pas dans le but de choquer ou faire genre, mais parce que « ne pas en parler aurait été une belle tartufferie et aurait constitué une faute de conception de mise en scène à mes yeux. » selon les dires mêmes de Baier.

Ce qui est plus choquant, c’est le vide abyssal de la vie de Loïc, son incapacité à se projeter même s’il ressent au fond de lui le besoin de « faire quelque chose », un quelque chose qui varie selon les rencontres et les humeurs du moment.

La mort accidentelle de Marie marque l’ébauche d’une transformation chez ce jeune homme immature et paumé. Après la rencontre avec un joueur de foot, star locale qui le fascine (la partie la moins intéressante du film), Loïc choisit enfin un nouveau départ, s’achète une caméra et part en quête de choses à filmer.

La thérapie par le filmage renvoie directement à l’époustouflant Tarnation, mais Loïc est surtout le cousin de Etienne, le jeune patineur filmant sa propre vie dans Ma vraie vie à Rouen.

 

    Le charme très discret de Garçon stupide réside dans le cheminement de ce grand gamin en train de prendre sa vie en main, de grandir. Le film vaut aussi par son traitement décalé et ironique, ainsi que pour son aspect sociologique, celui de la vie d’un jeune gay en proie aux mêmes doutes et aux mêmes questions que n’importe quel autre adolescent, quelle que soit sa sexualité.

 

Patrick Braganti

 

Film suisse – 1 h 34 – Sortie le 19 Janvier 2005

Avec Pierre Chatagny, Natacha Koutchournov, Rui Pedro Alves

 

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