cinéma

Imposture de Patrick Bouchitey 

[3.0]

 

 

    Serge Pommier est professeur de littérature, passionné sincère pour tout ce qu’elle contient de légendaire et mythique, engagé avec ses collègues dans une course-poursuite à la publication, mais ne produisant –car la lucidité, corollaire d’une certaine forme de folie, ne lui fait pas défaut- que des œuvres ampoulées, pompeuses et sans vie. Jusqu’au jour où l’une de ses étudiantes lui propose de lire  -pour avis- le manuscrit du roman (« Journal d’une folle ») qu’elle vient d’achever –chef d’œuvre évident qu’il décide aussitôt de s’approprier, en faisant du même coup disparaître la jeune femme.

 

    Récit d’un enlèvement, aussi bien physique qu’intellectuel, Imposture aurait dû, plus encore, livrer le portrait d’une usurpation d’identité, d’une manipulation qui tourne court, où celui qui tire les ficelles n’est pas forcément celui qui triomphe. Serge Pommier est un fou : fou de littérature et fou tout court. Sa façon méticuleuse d’installer les lieux de détention de son étudiante, son caractère limite toujours au bord de l’explosion, sa facilité à mentir, tricher, truquer ; d’un être aussi imprévisible, on peut tout craindre et c’est ce qui d’abord faire tenir le récit, le soude et fascine.

 

    Malheureusement, si tout le début du film est parfaitement construit, basé sur cette menace sourde et pesante, la suite des évènements n’est pas à la hauteur. On a ainsi le sentiment que Patrick Bouchitey –réalisateur- passe à côté d’un sujet qui aurait pu ouvrir sur des questionnements autrement plus profonds et fouillés que ceux ici suggérés, mais qu’un très (trop) banal enchaînement de scènes (qui prend vite des allure de bout à bout) destinées à la seule avancée de l’intrigue ne permet pas.

 

    Boiteux, oscillant sans cesse entre la réflexion et l’action, Imposture ne fait qu’effleurer la surface des choses. Ni tout à fait thriller (pas un flic impliqué à l’horizon), ni tout à fait portrait d’une folie, pas plus que face-à-face de maître à élève, le film reste plaisant mais sans plus, prend finalement des allures de téléfilm.

On retiendra tout de même l’interprétation de Laetitia Chardonnet, tout à fait juste dans un rôle aux contours volontairement flous, victime et muse, maîtresse femme et manipulatrice l’air de rien. Figure de l’écrivain, elle est celle qui sait transfigurer le malheur en œuvre d’art.

 

    Si la littérature peut rendre fou, c’est d’ailleurs bien parce qu’elle ouvre des portes secrètes sur le mystère de la vie humaine. Pouvoir inouï et souvent fantasmé, frustration aussi pour tous les Serge Pommier de la terre, tristes hérauts d’une vérité qui leur échappe.

 

Christophe Malléjac

 

Film français – 1 H 40 – Sortie le 25 mai 2005

Avec Patrick Bouchitey, Laetitia Chardonnet, Isabelle Renauld

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