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                               Il
                              n’est pas du tout certain que le milieu littéraire,
                              celui des écrivains narcissiques et mythomanes et
                              des éditeurs affairistes et cyniques, celui très
                              germanopratin du sixième arrondissement parisien,
                              encense le dernier film de Pascal Bonitzer
                              qui renoue avec les dialogues percutants, incisifs
                              et pleins d’esprit qui avaient fait la marque de
                              Encore (1996) et de Rien sur Robert
                              (1999). 
                               
                              
                               
                              Entre
                              deux enterrements qui introduisent et concluent Je
                              pense à vous, nous suivons les pérégrinations
                              sentimentales et professionnelles de Worms écrivain
                              sulfureux, de Hermann, son éditeur, de Diane,
                              l’actuelle compagne de celui-ci, d’Anne son
                              ancienne maîtresse et d’Antoine, le nouveau
                              mari de cette dernière. Pour compléter un
                              tableau apparemment touffu, il faut aussi
                              mentionner que Diane était l’ancienne petite
                              amie de Worms, qui a fait de cette liaison le
                              sujet de son dernier ouvrage avec luxe de détails
                              intimes et personnels – ce qui ne devrait pas
                              aller sans vous rappeler quelqu’un !. La réapparition
                              inopinée d’Anne provoque une avalanche de
                              mensonges et de crises au sein des deux couples,
                              attisées en sous-main par Worms. 
                              Tout
                              ceci n’est pas bien joli : cynisme et
                              jalousie, ego surdimensionnés et frustrations
                              diverses sont au rendez-vous. Ancien critique aux
                              Cahiers du Cinéma, licencié en philosophie, puis
                              scénariste de Rivette et Téchiné,
                              avant de devenir lui-même cinéaste, Pascal
                              Bonitzer sait sans aucun doute de quoi il
                              parle. Mais plutôt que de se vautrer dans la
                              complaisance, il dégomme avec un humour cruel et
                              mordant ce petit monde pleutre et égocentrique,
                              infatué de sa propre suffisance et de sa supposée
                              importance. Dans ce registre, Charles Berling
                              campe naturellement un écrivain hypocrite et
                              opportuniste, qui épouse la cause juive et ses
                              attributs alors que lui-même est goy. Edouard
                              Baer est parfait dans le rôle de l’éditeur
                              à la mode, soignant son apparence et son
                              entourage, sans beaucoup d’états d’âmes, à
                              qui sa judéité paraît poser pas mal de problèmes. 
                               
                              
                               
                              Après
                              l’inhumation initiale et l’oraison de Worms, Je
                              pense à vous continue très fort avec la
                              confrontation chez leur avocat de Diane, Hermann
                              et l’écrivain malintentionné. Les vacheries
                              fusent derrière les sourires carnassiers. Tout ce
                              beau monde, habillé de noir, vivant dans des
                              appartements somptueux, constitue évidemment les
                              figures caricaturales d’un microcosme étranger
                              pour la plupart des spectateurs. On regrette donc
                              que le film ne maintienne pas le cap dans sa veine
                              décapante et cruelle. On est davantage plus réservés
                              lorsqu’il se recentre sur les démêlés
                              sentimentaux des personnages. 
                              Néanmoins,
                              le film n’est pas un jeu de pistes dans lequel
                              mettre un nom connu sur chaque personnage de
                              fiction. Ici c’est avant tout le scénario qui
                              fait mouche comme ressort l’impression de vide
                              et d’artificialité qui caractérise tous les
                              personnages, pas forcément dupes de leur état.
                              Diane ne confesse t-elle pas que Hermann lui fait
                              horreur, tout comme elle se fait horreur à elle-même ? 
                              Je
                              pense à vous se révèle donc une petite comédie
                              finissant par laisser un goût d’angoisse
                              existentielle et d’amertume et persiste à faire
                              de son réalisateur un homme singulier dans le
                              paysage cinématographique français. 
                               
                              
                               
                              Patrick
                              Braganti 
                               
                              
                               
                              Comédie
                              dramatique française – 1 h 22 – Sortie le 29
                              Novembre 2006
                              
                               
                              Avec
                              Edouard Baer, Géraldine Pailhas, Marina De Van,
                              Hippolyte Girardot, Charles Berling
                                 
                               
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