cinéma

L'adversaire de Nicole Garcia   1/2

    Pas facile d’adapter un récit tiré lui-même d’un fait divers, surtout lorsque le livre a connu, à juste titre d’ailleurs, un certain succès d’estime auprès de la presse et du public. Pourtant Nicole Garcia se jette dans l’aventure et adapte donc « l’adversaire » l’histoire de Jean-Claude Romand, bon père de famille, qui fait croire à tout le mode qu’il est chercheur à l’OMS à Genève mais qui en fait n’est rien depuis qu’il ne s’est pas présenté à ses examens de fac de médecine quinze ans auparavant.

    Nicole Garcia s’attache d’emblée à montrer des images froides et sombres renforcée, comme si besoin était, par la musique facile et presque pénible de Badalamenti. Le personnage principal interprété par Daniel Auteuil se révèle assez vite monolithique, peu expressif et porte en lui une certaine tristesse de vivre comme lui fera d’ailleurs remarquer Marianne, (Emmanuelle Devos) sa maîtresse, vers la fin du film. Et là déjà le bas blesse. Comment un personnage si dépressif peut-il tromper son monde si longtemps alors qu’il a un travail passionnant et roule sur l’or ? D’autant plus que le personnage dépeint par Emmanuel Carrère dans son livre donnait à penser que Romand était un personnage beaucoup plus convivial et à la corpulence plus rebondie qu’Auteuil, malgré tout très bon acteur. Quant au pouvoir de séduction et de manipulation de Romand il n’apparaît pas vraiment dans le film si ce n’est au détour d’une scène, quand, lors d’un repas de famille à la campagne chez les beaux-parents, celui-ci convainc toute la famille, sur une simple phrase, de célébrer le mariage du beau-frère au bord du Lac d’annecy. Mais rien de plus tout au long du film ne montrera la force d’influence de cet homme. Ce qui constitue pour moi le centre du problème, car alors on se demande comment Romand réussit à berner ses proches pendant tant d’années ? Finalement au lieu d’être un personnage truqueur, passionnant, inquiétant et fascinant, Nicole Garcia donne de Romand l’image d’un être ennuyeux, dépressif chronique et finalement sans grand pouvoir ni envergure.

    Malgré tout, l’histoire est prenante et on reste ébahi, même si l’on connaît l’histoire, par tant de monstruosité et de volonté d’enferment intérieur, chez cet homme qui ne cesse de répéter tout au long du film qu’il aime ses enfants et qui, pourtant à aucun instant, ne montre qu’il existe une réelle relation de père à enfant entre lui et ses deux gamins. La seule fois où la présence des enfants se fait plus palpable c’est au moment de leur assassinat. Moment qui, d’ailleurs, parait interminable et qui tend à penser que la réalisatrice a également misé sur l’aspect spectaculaire du fait divers, même s’il l’est réellement.

    Donc au final, un film bancal qui nous laisse un peu sur notre faim, sans doute par frustration de ne pas avoir vu ce en quoi on était en droit de s’attendre après les différents et nombreux récits rapportés jusqu’avant ce film sur ce troublant fait divers.

Benoît