cinéma

La femme est l'avenir de l'homme de Hong Sang-soo

 

 

    Sous un paysage de neige, un jeune homme Hunjoon gravit une colline aux alentours de Séoul pour y retrouver un vieil ami Munho. Celui-ci l’accueille à la porte de sa maison, malgré le froid vif, prétextant une femme malade peu désireuse de le recevoir. Les deux amis, en fait des copains d’études que la vie a séparés, se réfugient dans un restaurant où l’évocation des souvenirs fait resurgir la mémoire d’une jeune femme Sunhwa qu’ils ont aimée tous deux. Ils décident de partir à sa recherche et par la même occasion à celle de leur passé enfoui et de leurs amours défuntes.

 

    La neige présente dès la scène d’ouverture permet de situer dans le temps, avec un arbre de Noël entr’aperçu dans l’entrée d’un immeuble, le moment de l’action principale et rend compréhensibles les nombreux flash-back qui émaillent le film. Il nous est livré petit à petit des clefs sur l’histoire de ces trois personnages : Hunjonn a abandonné Sunhwa pour suivre des études de cinéma aux Etats-Unis, la laissant aux bons soins de Munho, garçon responsable et moins ambitieux qui a choisi de devenir professeur.

 

    C’est donc une variation lente et composée de détails insignifiants, qui font probablement le sel de le vie, que nous offre le jeune réalisateur coréen Hong Sang-soo, déjà réalisateur de quatre films, dont le très récent Turning gate. Fortement influencé par la Nouvelle vague française et le cinéma de Bresson, il avoue sans vergogne un goût immodéré pour la paresse ainsi que pour l’alcool, drogue essentielle pour supporter le monde cruel qu’il découvrait à travers ses yeux d’adolescent.

Le titre du film, chopé sur une carte postale achetée en France, est aussi une parabole évidente sur la difficulté des rapports humains entre les deux sexes et la capacité indéniable de la femme à tracer sa voie, en rejetant au besoin ses anciens soupirants. La très conciliante Sunhwa n’a plus grand-chose à voir ni à faire avec ces deux garçons souvent gauches et maladroits.

 

    Essentiellement constitué de longs plans fixes qui mettent rarement en scène plus de deux personnages à la fois, le film de Hong Sang-soo voudrait toucher à l’universel. Pourquoi pas ? Nous serions certes ravis de le suivre dans ces méandres souvent douloureux. Las, une platitude avérée des dialogues, un jeu des acteurs inexpressif – mais est-ce là l’expression habituelle des Coréens ? – ne parviennent pas à emporter l’adhésion. Malgré quelques saynètes drôles, dont celle de la double proposition formulée à la serveuse du restaurant où les deux compères échouent la première fois, le film distille le plus souvent un ennui certain et un inintérêt croissant pour les errements des protagonistes.

Lorsque Hong Sang-soo avoue lui-même que « ses films expriment cette incapacité à s’approcher au plus près de la vérité », nous le croyons sans peine. Sous l’influence de Bresson, il ajoute qu’il se méfie des messages trop clairs ou trop évidents. Reconnaissons lui donc une propension talentueuse à l’hermétisme et au minimalisme exacerbés par une mise en scène quelconque et un scénario faible. Pour que Hang Sang-soo soit l’avenir du cinéma coréen, il lui reste à convaincre et insuffler à son œuvre une véritable émotion qui nous permette de nous en approcher, et non pas de l’occulter aussitôt regardée.

 

Patrick

 

Film Coréen – 1 h 28 – Sortie le 19 Mai 2004