cinéma

La vie comme elle va de Jean-Henri Meunier       

 

 

    Depuis Etre et avoir, le succulent documentaire de Nicolas Philibert et malgré les avatars qu’il a connus par la suite, on sait que le genre documentaire est de plus en plus en odeur de sainteté et reçoit plus facilement l’aval des producteurs et les suffrages des spectateurs. Après tout, sur des sujets différents (quoique…), Julie Bertuccelli et Emmanuel Carrère sont aussi passés par la case documentaire.

 

    Avec le film de Jean-Henri Meunier, nous sommes transportés à Najac, une petite bourgade de la campagne aveyronnaise, qui vit au rythme des saisons à l’ombre de son château médiéval. Najac est d’abord le refuge trouvé par le réalisateur et sa famille, désireux de fuir le stress parisien et sa mauvaise qualité de vie. L’impression de bien-être doublée de la connaissance approfondie des habitants donne envie à Meunier de réaliser un documentaire sur cet havre de paix.

S’ensuit une galerie de personnages hauts en couleurs : le chef de gare fataliste et tranquille, le retraité qui redécouvre les plaisirs de la nature après une vie plutôt décousue, le papy mécanicien touche-à-tout génial et philosophe, quelques paysans fiers de leur métier et une centenaire assez acariâtre qui aime pousser la chansonnette, tous habitants de Najac sous la tutelle d’un maire joueur de saxophone recordman de la longévité – il est aux « affaires » depuis plus de cinquante années.

 

    A Najac, où l’occupation principale est le farniente, la ballade et la discussion à bâtons rompus, l’activité professionnelle se limite essentiellement aux travaux de la ferme : fenaison, moissonnage, animaux, de l’élevage à l’abattoir. Ce n’est donc pas étonnant que la nature et tous ses occupants, soit une ribambelle de bêtes domestiques ou non, soient ici aussi présents. Ce film est d’abord un plaisir des yeux devant ces paysages, ces lumières et ces patchworks de couleurs. On en finirait par regretter qu’il ne soit pas projeté avec un quelconque système olfactif.

Ensuite, Jean-Henri Meunier a su mettre en scène une belle brochette de personnages authentiques et généralement satisfaits de leur sort, même si la tâche est parfois rude et les conditions de vie rugueuses. Au passage, Najac démontre et met en pratique de belles preuves de solidarité et d’ouverture d’esprit, à l’instar des deux artistes locaux (des clowns) partis redonner le sourire à des enfants bosniaques ou du jeune paysan qui s’en va soutenir quelques collègues palestiniens en recherche de terres.

Ce film distille du bonheur, vous fait passer tour à tour du rire franc – la fainéantise du chef de gare érigée en art de vivre – à l’émotion qui vous étreint la gorge – le vieux mécano amoureux de ses poupées et qui évoque la mémoire de sa femme disparue.

 

    Vouloir réduire le film, qui par ailleurs possède tous les attributs pour le qualifier ainsi, à un témoignage simpliste de sociologie du terroir à l’usage de spectateurs citadins et blasés me semble fortement injuste. La tendresse que Meunier a pour Najac et ses habitants saute aux yeux et ne peut nullement être taxée de fabriquée. Après tout, il est lui-même très discret, se limite à un rôle d’auditeur ou de confident.

Mais peut-être y a t-il de la part de certains citadins résignés quelque envie ou quelque jalousie à entrevoir une certaine conception du bonheur ou en tout cas d’une réelle qualité de vie au fin fond de la France. Tournez la chose comme vous le voulez, soyez grincheux ou emballés, tant pis mais reconnaissez que le bonheur est bel et bien dans les prés de…Najac. Lequel est aussi communicatif et revigorant, alors pourquoi s’en priver ?

 

Patrick