cinéma

Le dernier jour de Rodolphe Marconi 

 

 

    Rodolphe Marconi jeune cinéaste et scénariste a réalisé jusqu’à présent deux films et s’est singularisé par sa propension à placer ses personnages dans des situations conflictuelles ou inhabituelles où les sentiments s’expriment de manière violente.

Dans l’apprêté Ceci est mon corps (2001), un jeune étudiant à l’avenir tout tracé choisissait de rompre avec son destin en devenant acteur, tentant de prouver à lui-même et à son entourage familial sa détermination à ne pas entrer dans le rang.

Dans le beaucoup plus réussi et subtil Défense d’aimer (2002), un autre jeune homme étudiant à la Villa Médicis à Rome fuyait un passé difficile et s’ouvrait à une nouvelle vie en forme de rédemption et de pardon.

 

    Pour qui connaît ses deux précédents films, le nouvel opus de Marconi n’apporte pas de surprises tant on semble être en terrain connu, se sentant familier avec sa façon de filmer, ses partis pris esthétiques déroutants et horripilants, l’irruption soudaine de thèmes musicaux inattendus, voire inadaptés.

Tout ceci est aujourd’hui mis au service d’une histoire douloureuse et pleine d’ombres : Simon (Gaspard Ulliel époustouflant) revient passer Noël en famille, accompagné de Louise une jeune fille dont il a fait la connaissance dans le train de nuit. A la maison, entre Marie sa mère protectrice et Jean-Louis son père absent, Alice sa sœur revêche et Mathieu un ami gardien de phare équivoque, l’ambiance est tendue et source d’affrontements permanents. Un malaise diffus qui doit bien avoir des causes que l’on apprendra au fur et à mesure car il pèse sur cette famille un lourd secret, qu’un coup de téléphone inopiné va réveiller. Donc inutile d’en dévoiler davantage.

 

    Marconi qui adore filmer ses acteurs de dos a réalisé un film tranchant, audacieux et rugueux avec lequel le spectateur doit se coltiner, chercher des clefs et se prendre d’affection pour des personnages rudes et âpres. Ici pas de caméra à l’épaule ou d’images tremblantes, mais des plans très courts coupés au cordeau qui transforment n’importe quel dialogue en une véritable passe d’armes. Les cris sont plus fréquents que les mots d’amour chez « cette famille de fous ». Simon autour de qui tout gravite est un petit oiseau perdu qui se cogne aux barreaux de sa cage et cherche sa place et sa voie, ce qu’illustre une scène barrée et surréaliste dans un rade de marins. Entre Louise et Mathieu, il essaie de se situer et de se forger une identité sentimentale, sinon sexuelle.

Le film très découpé joue beaucoup avec la simultanéité des scènes filmées dans des endroits et avec des personnages différents, ce qui sert à montrer que le destin d’un être se scelle souvent à son insu. Ainsi, Le dernier jour ouvre pas mal de pistes restant inexploitées ou inabouties, rendant tangible l’impression constante de recherche de voies.

 

    Le cinéma de Marconi renvoie directement à celui de Patrice Chéreau et dans le rapport mère-fils central – mais qui n’est pas que le sujet, loin s’en faut – au dernier film de Christophe Honoré : Ma mère. Chez ces trois cinéastes, il existe la même volonté de mettre en scène des histoires emplies de souffrances et de déchirements, de ruptures et de frustrations. Il s’agit donc d’un cinéma exigeant, brut, pas toujours aimable, souvent déroutant, mais il s’agit aussi et avant tout de l’expression d’un regard personnel et assumé. Ce que devrait toujours être le cinéma.

 

Patrick Braganti

 

Français – 1 h 45 – Sortie le 3 Novembre 2004

Avec Gaspard Ulliel, Nicole Garcia, Bruno Todeschini

 

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