cinéma

Le fils de Jean-Pierre et Luc Dardenne     1/2

 

 

    Largement précédé d’une campagne médiatique plus que laudative (Les Inrocks et Télérama décidément bons à marier), mais aussi d’un prix d’interprétation à Cannes pour Olivier GOURMET, autant dire que j’avais une certaine impatience, sinon excitation, d’aller voir le dernier film des Frères, comme ont pris l’habitude – mystique !!! – de les nommer leurs proches et autres journalistes.

    Le film met en scène Olivier, un prof de menuiserie qui se retrouve volontairement en présence d’un jeune apprenti, dont on apprendra très vite qu’il sort de prison parce qu’il a tué le fils du prof. C’est donc leur confrontation qui est au centre même du film et surtout comment Olivier va la vivre, la supporter.

    Des trois films des DARDENNE, j’avais été très impressionné par La Promesse, qui était déjà l’histoire d’un père et d’un fils, ce dernier faisant le douloureux apprentissage au détriment de son paternel de la prise de conscience, de la responsabilité. Il y avait là comme un espoir, une porte de sortie qui donnait aussi envie de croire au genre humain. Las, cet espoir mourait sans rédemption possible dans le film suivant : Rosetta où une adolescente paumée se battait dans un environnement miséreux et sans concessions pour seulement survivre, trahissant même la seule main qui se tendait vers elle. Désespérant et noir, trop sans doute.

    Si la facture du Fils est en tout point identique à Rosetta, nous retrouvons ici comme un goût, certes amer d’humanité, qui vous laisse à la fin du film dans un double état paradoxal d’anéantissement et de sérénité. Pour revenir à la forme, il faut bien sûr accepter cette façon de filmer caméra à l’épaule, très rapprochée des acteurs, très physique aussi. C’est là une volonté déclarée des deux réalisateurs qui offrent comme une osmose avec les personnages.

    Ce n’est rien de dire qu’Olivier GOURMET est habité par le rôle, qui passe  beaucoup plus par le corps et surtout le regard que par la parole, plutôt aride et rare dans le film. Le film installe une tension de plus en plus palpable et la dernière partie qui se déroule à l’extérieur et dans une grande scierie où les deux protagonistes sont venus chercher du bois est d’une intensité effrayante et donc anéantissante. Mais c’est aussi là que se laisse entrevoir la possibilité du pardon, de l’ouverture, du dialogue, donc tout simplement de croire à nouveau en l’Homme.

   Difficilement jugeable à l’aune habituelle des critères qui permettent d’apprécier ou pas un film, LE FILS est surtout un coup de poing qui vous prend directement aux tripes et dont vous continuez à garder les traces pendant longtemps, vous persuadant s’il en était encore besoin que vous venez de voir un des plus beaux films de cette année.

Patrick B.