cinéma

Le Passager de Eric Caravaca

[4.0]

 

 

Adapté du roman La route de Midland de Arnaud Cathrine, Le Passager, tout comme le bouquin, aurait dû s’intituler La place du mort. Titre ö combien terrifiant, mais totalement explicatif d’une histoire dépressive hantée par l’absence.

L’absence définitive de Richard, qui vient de se foutre en l’air, dont Thomas, son jeune frère, dernier survivant de la famille, doit prendre le corps en charge, de la reconnaissance désincarnée à la morgue marseillaise au transfert du cercueil aux Saintes-Maries-de-la-Mer pour l’inhumation. Et accessoirement, Thomas devra liquider la maison de famille, faire table rase d’un passé houleux, se réconcilier avec ce grand frère détesté et fascinant et in fine avec lui-même. Le Passager, c’est lui Thomas, grand jeune homme encore adolescent, porteur d’une mémoire traumatisée, proche de l’effacement, qui va petit à petit retrouver sa propre trace.

 

Thomas vient donc s’installer incognito dans la station portuaire où vécut Richard et y rencontre de manière anonyme ceux qui traversèrent sa vie : Jeanne son ancienne compagne tenancière d’un hôtel minable et désert, accrochée à un passé et un lieu qu’elle ne veut pas quitter ; le jeune Lucas, neveu de celle-là, subjugué par Richard, père putatif évident. Ce qui explique le rapprochement naturel de Thomas et Lucas, facilité par le goût commun de la boxe.

Le Passager est un film puzzle qui se construit devant nos yeux, tout comme se (re)construit Thomas, personnage indéterminé, de l’entre-deux, hésitant. Nous sommes baladés entre présent et passé, par des flash-back lourdement significatifs. C’est l’unique point faible de ce film, dont on aime par ailleurs l’ambiance mélancolique et triste, renforcée par l’endroit improbable où il prend place : un lieu de villégiature qui semble de nulle part, parsemé de plages et de petits hôtels, une côte pas mal bétonnée, sans touristes visibles, avec en arrière-plan des zones industrielles miteuses.

Peu bavard, film de sensations, Le Passager signe le passage derrière la caméra de Eric Caravaca. Un coup d’essai qui est aussi un coup de maître, tant le cinéaste débutant parvient à restituer le climat même de l’œuvre de l’auteur, sombre et neurasthénique.

Le Passager est un petit bijou précieux et écorché, pudique et délicat. Et c’est surtout un film qui se vit beaucoup plus qu’il ne se décrit ou se relate.

 

Patrick Braganti

 

Drame français – 1 h 25 – Sortie le 22 Mars 2006

Avec Eric Caravaca, Julie Depardieu, Vincent Rottiers

 

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