cinéma

Les lois de l’attraction de Roger Avary 

 

    Tout commence mal pour ma modeste entreprise de chroniqueur : je n’ai pas lu Les Lois de l’attraction de Brett Easton Ellis, dont le film de Roger Avary est l’adaptation. Libre à vous d’arrêter là la lecture de ma bafouille au nom de l’adage qui veut que le journaliste, même amateur, doit avoir lu l’original avant de parler de cinéma. Surtout quand il s’agit d’adaptation. Tout film, adaptation d’un roman mythique ou non, doit néanmoins tenir ses promesses filmiques. Je le confirme, Les lois de l’attraction d’Avary existent bel et bien en tant qu’entité autonome. Tant mieux. Ou tant pis.

 

    En quelques mots, l’histoire. Dire plus que quelques mots du scénario, ce serait d’ailleurs inventer un nouveau film, tant la trame narrative est réduite à peau de chagrin. Soirée fin de siècle sur un campus américain cossu. Lauren prend un jeune homme par la main et l’emmène vers sa chambre. Paul l’éphèbe, près de la table de billard, scrute la soirée à la recherche de l’âme sœur. Arrive Sean Bateman (le frère de Patrick d’ American Psycho ?). Il n’a qu’une idée en tête, ajouter une conquête à son tableau de chasse qu’on imagine conséquent. A moins que ? A moins que monsieur X aime monsieur Y en cachette, qu’Y soit séduit par madame Z qui de son côté ne jure que par le jeune A… Et de A à Z, c’est non seulement le classique  triangle amoureux mais aussi tout le campus de Camden College qui est soumis aux fameuses lois de l’attraction. Etonnement, vous croyez reconnaître le résumé des teenage movies  qui inondent chaque année en été, nos tranquilles salles de cinéma. Et vous n’avez pas tort. Avary, et sans doute Easton Ellis avant lui, nous livrent ni plus ni moins qu’une tranche de la vie d’un collège friqué. On dira "dommage" si, comme moi, on s’en carre comme de la communion du cousin de ma tante.

 

    Pourtant, si le sujet du film n’intéresse pas, la réalisation réussit quant à elle plusieurs tours de force. Elle dépeint une jeunesse américaine dorée, délurée et droguée jusqu’au bout des cheveux, d’une manière redoutablement efficace. C’est ciselé, nerveux et assassin, quand à l’écran ça baise et ça sniffe à tout va. Les dialogues aux petits oignons confirment d’ailleurs cette tendance.

On goûte aussi en connaisseur au petit cours de techniques du cinéma auquel se prête bien volontiers Avary : montage inversé, split screens ; tout y passe et le plus fort, c’est que tout est utile, tout contribue au final à camper le quotidien des personnages.

Coup de chapeau, à la musique qui appuie les mécanismes de la réalisation et l’ambiance  générale « speedée » du film. On avait plus vu ça depuis Virgin Suicides, Ocean’s eleven ou encore Irréversible.  Mention spéciale, enfin,  à l’acteur James Van der Beek, épatant en étudiant largué et  borderline. Van der Beek démontre qu’il y a une vie après la série Dawson. Sous l’apparence du jeune gars bien propre sur lui, habitant de Dawson’s creek, se cachait en fait un jeune homme  révolté tentant de trouver une  place de choix dans un monde inutile, sans réponse, but ou idéal. Bateman / Van der beek est convaincant quand il nous fait croire qu’il cherche à passer maître de cet univers où toute une jeunesse dorée se perd dans un hédonisme trompe-l’ennui… Une révélation.

 

    Au final le cocktail, entre histoire bidon et réalisation au scalpel, donne un film comparable à la transformation de Dawson en Sean Bateman. Sous des dehors futiles et sans intérêt se cache, par le biais d’un réalisateur de talent et d’un casting de choix, un "pur moment de rock & roll". On constate avec plaisir la dépravation des normes et des ficelles du teenage movie traditionnel, comme on se plait à constater que Sean Bateman est l’anti-Dawson. On ne trouve jamais le temps long et on apprécie les mécanismes de cinéma qui servent l’apologie de la déglingue d’une frange de la société américaine.  Ca ne changera pas l’histoire du cinéma, c’est sûr ; mais peut-être bien celle des films pour adolescents. Etonnant.

 

Denis