cinéma

L’été où j’ai grandi  de Gabriele Salvatores 

[4.0]

 

 

    Dans les années 1970, l’Italie était en proie aux agissements terroristes des Brigades Rouges : attentats, assassinats de personnalités politiques (Aldo Moro), mais aussi rapts d’enfants de familles aisées à échanger contre de coquettes rançons. C’est cet épisode sombre de l’histoire contemporaine italienne qui sert de trame à L’été où j’ai grandi. Comme son titre le laisse entendre, il s’agit d’un témoignage personnel (le « je » identifiant du personnage central) ; celui de Michele, un gamin de dix ans qui en l’espace d’un été quitte le monde innocent des jeux (qui ne le sont pas toujours) pour la prise de conscience de l’univers trouble et décevant des adultes.

 

    Nous sommes dans les Pouilles, région campagnarde du sud de l’Italie, écrasée sous le soleil, parsemée de villages pauvres au milieu des champs de blé à perte de vue. Un monde chargé de symboles où toute la faune rampe, vole et grouille : chouettes, crapauds, serpents. Dans un de ces hameaux presque à l’abandon, Michele et ses copains délaissent la protection ombragée des murs épais pour de longues chevauchées à vélo dans les environs. Sous un morceau de tôle, Michele découvre un jour au fond d’un trou une créature muette et recroquevillée, s’exprimant d’une voix chevrotante et cristalline. Elle se révèle être un gamin de son âge, amaigri et apeuré, enlevé à ses riches parents.

Porteur de ce secret qu’il ne peut partager avec personne, Michele devient l’ange gardien du captif à qui il apporte eau et vivres. Dans le même temps, il comprend que son père de retour à la maison en étrange compagnie d’amis patibulaires n’est pas étranger à la présence de l’enfant emprisonné.

 

    L’été où j’ai grandi est l’adaptation d’un roman à succès de Niccolo Ammaniti, auteur à succès de thrillers très en vogue. Comme le livre, le film est bâti dans une perspective enfantine, où tout passe par le regard de Michele et se situe à sa hauteur, ce qui confère une vraie originalité à ce thriller rural. Commencé par les jeux des gamins dont les immenses champs de blés blonds constituent le terrain favori sous un soleil de plomb et une lumière intense, le film se poursuit moins légèrement, avec des scènes nocturnes d’observation et de fuites.

Michele va faire ainsi l’apprentissage de la vie en connaissant la trahison d’un copain, en prenant conscience de la notion nouvelle du mal et de la mort. Le petit garçon qui échangeait hier encore des voitures miniatures organise aujourd’hui l’évasion du prisonnier pour lui éviter de mourir.

 

    L’été où j’ai grandi est une fable sur l’innocence perdue qui n’évite pas quelques maladresses et invraisemblances. On peut ainsi regretter l’utilisation appuyée de l’angoisse au moment où Michele découvre la cache et une fin beaucoup trop théâtrale qui contraste avec le reste du film, globalement bien tenu, fonctionnant pour l’essentiel sur l’opposition : celles des adultes et des enfants, celle de l’ombre et de la lumière. Plus que les faits traités, la séduction opère avant tout grâce à la forme : d’un lyrisme rocailleux, bénéficiant d’une photo magnifique et lumineuse qui sublime les décors naturels et d’une interprétation remarquable, L’été où j’ai grandi est une bonne surprise d’un été cinématographique 2005 plutôt moyen.

 

Patrick Braganti

 

Film Italien – 1 h 42 – Sortie 3 Août 2005

Avec Giuseppe Cristiano, Aitana Sanchez-Gijon

 

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