cinéma

L'expérience de Oliver Hirschbiegel   1/2

 

    Le titre de ce film allemand, cinéma quasi moribond depuis la raréfaction des productions de Wim Wenders, est à prendre à double usage : d’abord, il décrit effectivement une expérience pseudo-scientifique ; ensuite on peut avouer sans honte qu’il en constitue une pour le spectateur égaré ou peu préparé à ce qu’il va visionner pendant deux heures.

 

    En vue donc de réaliser des tests comportementaux lors d’une incarcération, le professeur Thon recrute et enferme pendant onze jours vingt hommes au sein d’une prison reconstituée : huit deviennent les gardiens et les douze autres les prisonniers.

Parmi les prisonniers, un jeune journaliste Tarek, en rupture de bans et devenu chauffeur de taxi, tente de réaliser un reportage de choc et joue en même temps les provocateurs auprès des matons, ce qui fonctionne à merveille, la réalité reprenant très vite le pas sur l’expérience qui devient un véritable combat pour rester en vie, au mépris de toutes les règles et des droits de l’homme comme la liberté et la dignité. Très vite, la violence s’installe et le film monte en angoisse et en pugilats sanglants.

 

    D’un point de vue cinématographique, ce film, soyons francs, ne vaut pas grand-chose ; l’idylle naissante entre Tarek et une orpheline de fraîche date qui arrive dans le film comme un cheveu sur la soupe n’ajoute rien au scénario, si ce n’est de permettre quelques scènes plus douces dans ces deux heures de brutalité intense.

En revanche, l’aspect sociologique du film, soit l’observation des réactions de vingt hommes emprisonnés, d’un côté ou de l’autre des grilles, est franchement plus intéressant, même si le genre humain n’en ressort pas forcément grandi, ce qui au demeurant n’étonnera pas grand-monde.

 

    D’abord essentiellement motivés par l’argent apparemment facile que l’acceptation de l’expérience promet, ces hommes très rapidement (quelques jours vont suffire) vont devenir des bêtes sans foi ni loi, certains se révélant des leaders, d’autres des suivistes effrayés et lâches.

En tant que spectateurs, nous assistons à cette accablante évolution, en l’entérinant quelque part, ce qui nous place aussi en porte à faux, faisant d’autant translater le périmètre de l’expérience. Sur ce plan-là, le film m’a rappelé cette scène célèbre d’un film de Henri Verneuil I comme Icare, dans laquelle Yves Montand assistant à un test de résistance aux chocs électriques infligés à un cobaye se révélait être en fait lui-même l’objet du test et de sa capacité à accepter et surtout à en stopper le déroulement.

Et il est vrai que je me suis demandé plus d’une fois si nous n’étions pas nous-mêmes des cobayes plus ou moins manipulés et qu’à un moment il y aurait un retournement explicatif et bienvenu dans le cours de l’histoire. Malheureusement, je me suis trompé et aurai donc à aller jusqu’au bout de l’infamie et de la folie des hommes.

 

    Sorte de "Loft" trash, dont le contrôle fint par échapper à ses organisateurs, ce très petit film, artistiquement parlant, est à regarder comme une métaphore extrême, mais tout de même ancrée dans une réalité sordide des dérapages, pour le coup non contrôlés, des groupes crées de toutes pièces, à vocation ludique (la télé réalité) ou expérimentale (le film en question).

 

Patrick