cinéma

Ma vraie vie à Rouen de O. Ducastel et J. Martineau 1/2

 

    Dans Jeanne et le garçon formidable, premier film des deux compères, Virgine Ledoyen (Jeanne) campait une fille libre, amoureuse et même son histoire avec ce garçon ancien toxicomane devenue séropositif puis atteint du sida était traitée avec un goût évident pour la vie et la liberté, ce que le mode choisi : une comédie musicale clin d’œil à Jacques Demy renforçait particulièrement.

Ensuite, Félix (Sami Bouajila)  dans Drôle de Félix, suite à la perte de son emploi, va entreprendre sous le prétexte d’aller connaître pour la première fois son père à Marseille un périple à travers la France, qui lui fera rencontrer des gens différents l’aidant à sa propre construction. Sur un nouveau mode : le road-movie, Ducastel et Martineau filmaient à nouveau un être humain en train de grandir.

 

    Ma vraie vie à Rouen, troisième opus des deux réalisateurs, poursuit dans la même voie, avec cette fois un nouveau procédé : l’utilisation par le personnage principal Etienne d’une caméra numérique avec laquelle il filme sa vie : sa famille, ses amis et aussi lui-même. Le résultat en est un film authentique et indépendant, et les acteurs tous excellents (on retrouve ici Ariane Ascaride, déjà vue dans Drôle de Félix), réussissent l’exploit de jouer faux, emprunté comme nous pouvons tous l’être devant une caméra.

 

    Etienne (formidable Jimmy Tavares, jeune champion de patinage dont c’est ici le premier film) est un adolescent de 16 ans vivant seul avec sa mère. Il partage son temps entre le lycée, son meilleur ami et les entraînements de patinage artistique qu’il filme presque constamment, devenant une espèce de spectateur de sa propre vie dont il ne comprend pas toujours les évolutions. D’ailleurs, nous spectateurs du film saisissons bien avant lui son homosexualité naissante, sujet récurrent chez les deux réalisateurs.

 

    Passée la gêne que l’on peut ressentir sur le procédé utilisé, (après tout il peut y avoir dans chaque vie des moments vides ou creux) le film vaut beaucoup par ce qu’il nous donne à voir, soit la vie et la maturation d’un gamin pas forcément bien dans sa tête, sans doute déséquilibré (un comble pour un patineur) et à la recherche de ses propres repères.

A sa manière, Etienne est quelque part le petit frère de Félix, donnant aux travaux de Ducastel et Martineau une vraie cohérence et une constance appréciable, ce qui mérite à mon sens largement le détour.

 

Patrick