cinéma

Oldboy de Park Chan-Wook  1/2

 

 

    Essayons d’examiner les raisons pour lesquelles Quentin Tarantino, président du jury du Festival de Cannes millésime 2004, a aimé ce film coréen au point de lui décerner rien moins que le Grand Prix. La principale est qu’il aurait très bien pu faire ce film lui-même. Si l’on cherche dans Old Boy des points communs avec l’œuvre du réalisateur du brillant Kill Bill, on trouve : l’extrême violence, souvent plus drôle que réellement dérangeante ; l’humour, justement, qui a recours à des situations absurdes d’une façon chère à Tarantino, mais qui lorgne aussi du côté du japonais Takeshi Kitano ; le fait que ce film fait comme Kill Bill partie d’une série sur la vengeance (mais ponctuée d’un futur troisième opus) ; et enfin, le costume noir avec chemise blanche dont le héros est affublé, gimmick tarantinien s’il en est

 

    Difficile de dire si Park Chan-Wook a souhaité rendre hommage au cinéaste américain ou non. Toujours est-il que le bougre ne se contente pas de reprendre, consciemment ou non, les outils d’un autre. Il les utilise à sa propre manière pour donner quelque chose de réellement original, dans tous les sens du terme, et qui trouve sa pertinence dans le cadre du cinéma coréen.

Oh Dae-Soo (Choi Min-shik, le peintre d’Ivre de femmes et de peinture), anonyme parmi les anonymes, se retrouve enfermé sans raison dans une sorte de studio. Quinze années s’écoulent, faites d’entraînement à la boxe sur son ombre, de masturbation télévisuelle, plus généralement de crises de folie, et Dae-Soo est libéré, sans plus d’explication sur sa captivité, durant laquelle la perspective d’une vengeance l’a maintenu en vie. Ce long parcours peut alors commencer, avec ses promesses d’horreur tant le héros semble déterminé à faire payer les responsables.

 

    On ne peut qu'essayer d’imaginer ce que ressent la population coréenne depuis que son pays a été coupé en deux, qui plus est de façon pour le moins géométrique, donc arbitraire. Mais l’“expérience” extrême de Oh Dae-Soo peut donner des indices : se faire voler de précieuses années de vie / d’Histoire pour des raisons inconnues et que l’on suppose futiles, voilà de quoi susciter sinon un sentiment de vengeance, du moins une profonde amertume.

Mais le cinéma est parfois (souvent) exagération et cette rage, cette frustration s’exprime à travers le personnage de Choi Min-shik, qui, lui, peut régler ses comptes à grands coups de marteau, s’improviser dentiste-boxeur avec plus ou moins de réussite (grande scène de combat dans un long couloir glauque) et rencontrer sa moitié “légitime”.

 

    Mais la volonté du réalisateur, et le terreau du manga éponyme dont le film est tiré, donnent un long métrage réjouissant malgré son ambiance ô combien malsaine, et qui n’explicite pas trop ce triste phénomène géopolitique. Quand Tarantino, cinéphile à sa façon, récompense Old Boy à Cannes, on peut supposer qu’il récompense un film qu’il a pris du plaisir à voir, tout simplement, et c’est une bonne chose.

 

Sébastien Raffaelli

Sud-coréen i- 1h 59 - Sortie le 29 septembre 2004

Avec Choi Min-shik, Yoo Ji-tae, Kang Hye-Jeong...