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                            | Open
                              range
                              de
                              Kevin Costner   
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                            |  |      Comment faire un western aujourd’hui,
                        alors que plus quand dans tout autre genre sans doute,
                        tout a été dit ? Comment passer après John
                        Ford, Howard Hawks, Sergio Leone, Clint
                        Eastwood, autant de maîtres qui ont non seulement
                        laissé une empreinte indélébile sur lui, mais sur le
                        cinéma en général ?
                        
                          
                        
                             C’est le défi auquel est désormais
                        soumis quiconque se lance dans l’entreprise, et ne
                        serait ce que pour l’avoir relevé, Kevin Costner
                        mérite un minimum de considération. Comment faire donc ?
                        Très simple, semble dire le Bodyguard : en
                        empoignant le genre à bras le corps, avec amour et sincérité,
                        sans distance ni ironie.
                        
                          
                        
                             Et ça commence par un respect maximum de la lettre :
                        le western se déroule généralement à l’Ouest des
                        Etats-Unis et met en scène des cow-boys. Soit :
                        les premières minutes du film s’attachent à
                        retranscrire au plus près le quotidien de ceux qui
                        seront les héros du film. On y retrouve donc ce qu’on
                        est censé y retrouver : les grands espaces
                        verdoyants et quasiment inhabités de la prairie
                        (le film se déroule en 1882, soit 8 ans avant la
                        fermeture officielle de la Frontier), une nature
                        généreuse ou dure mais avec laquelle on vit au
                        sens propre, du bétail, et surtout des hommes. Des
                        Hommes serait on tenté de dire même : simples,
                        bons, francs, respectueux des leurs et de ce qui les
                        entoure (on ne défie pas un orage et on enlève son
                        chapeau lorsqu’on s’approche d’un cheval récalcitrant),
                        bourrés de principes (tricher aux cartes : pas
                        bien !), bref, Costner illustre à merveille
                        l’Ouest des pionniers porteurs de valeurs éternelles
                        et universelles qui ont contribué au mythe Américain
                        (le bon, celui de Whitman comme de Kennedy,
                        pas celui de George W. …). Il arrive en
                        quelques plans à retranscrire une sorte de perfection
                        bucolique à l’américaine, et c’est tout simplement
                        magnifique. On serait presque tenté de dire qu’il a déjà
                        remporté la mise passé le premier quart d’heure tant
                        son univers respire l’authenticité, la modestie, la générosité.
                        
                          
                        
                             Mais il continue, et c’est tant mieux,
                        sur le même registre, usant d’une mise en scène
                        aussi limpide qu’harmonieuse : plans larges
                        inscrivant leurs personnages dans leur cadre au grand
                        air, plans plus courts et plus resserrés lorsqu’ils
                        investissent cette ville que l’on craint tant pour ce
                        qu’elle représente (le profit, la corruption, la négation
                        de l’individu, la fin de la liberté).
                        
                          
                        
                             Il se fera nettement plus audacieux dans
                        la dernière partie, lorsque, une fois tous les enjeux
                        posés et les personnages bien définis (tranquillement,
                        avec patience, sur un rythme nonchalant absolument délicieux)
                        il faut apporter un dénouement à cette histoire de méchant
                        propriétaire terrien contre les gentils cow-boys libres
                        comme l’air. Allons y tout de go : l’inévitable
                        gunfight final est l’un des plus saisissants jamais
                        vus à l’écran. Fuyant comme la peste la surenchère
                        et le spectaculaire, Costner nous montre l’Ouest
                        démythifié tel qu’Eastwood l’évoquait dans
                        Impitoyable : des coups de feu désordonnés,
                        manquant leur cible pour la plupart, la peur, la fuite,
                        la douleur, en un mot la violence froide et cruelle que
                        le personnage de Charley (Costner) doit
                        affronter une dernière fois avant de lui tourner définitivement
                        le dos.
                        
                          
                        
                             Alors évidemment, on pourra ergoter sur
                        les 5 dernières minutes qui versent un peu dans le
                        sentimentalisme, et beaucoup jugeront le film académique.
                        Mais Costner prouve définitivement qu’il est
                        un vrai metteur en scène, avec un vrai sens visuel, et
                        une personnalité propre. Il en faut pour produire ainsi
                        à Hollywood un film long et lent, souvent contemplatif.
                        Il en faut pour imposer un casting moyennement hype :
                        lui-même donc, que beaucoup considèrent à tort comme
                        un has-been, le grand Robert Duvall dans le rôle
                        de la-figure-paternelle-que-l’on-aimerait-tous-avoir,
                        la magnifique Annette Benning, scandaleusement
                        enfermée dans son placard, à cause sans doute de son
                        « grand » âge. Il en faut pour livrer un
                        western, un film, de cet acabit.
                        
                           Laurent      
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